Société du Plan Nord – La représentativité questionnée

Le directeur de la conservation à SNAP Québec, Pier-Olivier Boudreault.

La Société pour la nature et les parcs Québec (SNAP Québec) questionne la représentation des protagonistes au sein de la Société du Plan Nord (SPN) et la philosophie environnementale de l’organisme.

Des représentants des régions, des nations autochtones nordiques et du secteur privé sont réunis au sein de l’Assemblée de partenaires, qui se veut « l’instance-conseil privilégiée du gouvernement en matière de développement nordique ». Elle est notamment consultée pour l’élaboration du Plan d’action nordique et du Plan stratégique, dont la version 2023-2028 vient d’être rendue publique

Les membres de l’assemblée sont nommés par le conseil d’administration de la SPN.

Deux groupes environnementaux

« La représentativité, c’est un enjeu qu’on a souvent soulevée, rapporte le directeur de la conservation à SNAP Québec, Pier-Olivier Boudreault. Nous sommes seulement deux groupes environnementaux; c’est une mince portion des représentants. Nous sommes souvent les chiens de garde du développement durable. Ce ne sont pas des enjeux nécessairement faciles à faire passer dans ce cadre. »

Une définition contestée

SNAP, raconte M. Boudreault, a claqué la porte d’un comité, en désaccord avec la notion de protection du territoire mise de l’avant par la SPN. « Le développement du Nord venait avec un engagement de protéger 50 % du territoire. […] C’était très ambitieux, novateur; on a accueilli ça positivement parce que c’est notre vision à la SNAP d’avoir un équilibre au niveau de la protection du territoire, de la biodiversité, etc. Sauf que le diable est dans les détails et, eux [la SPN], 50 %, c’était 20 % d’aires protégées strictes sans développement industriel.

L’objectif a été atteint en 2020. Le problème est dans l’autre 30 %; on a dit qu’on priorisait la conservation […], sauf que, pour avoir été dans les coulisses qui discutaient de ces 30 %, on voulait insérer des activités minières durables, des activités forestières durables. Pour nous, quand il y a une mission de conservation, les activités industrielles n’ont pas leur place. »

M. Boudreault s’inquiète de l’absence de définition de ce qu’est un territoire de conservation nordique, catégorie dans laquelle seront rangés les dix nouveaux territoires annoncés dans le Plan stratégique 2023-2028. En 2020, le comité consultatif de l’Environnement Kativik faisait valoir que « le statut de ces territoires n’est pas suffisamment défini par la loi, car nul ne sait ce que cela implique réellement ».

Le rôle des Autochtones

SNAP et Environnement Côte-Nord sont les seuls groupes environnementaux de l’Assemblée des partenaires, Pier-Olivier Boudreault considère que l’écologie est un enjeu important pour les Premières Nations qui y siègent aussi. « Je pense qu’elles essaient de trouver un équilibre entre développement et conservation du territoire, analyse-t-il. Les Cris sont très proactifs au niveau de la protection du territoire. Il y a eu beaucoup de territoires protégés dans Eeyou Istchee au cours de la dernière décennie. Il y a beaucoup de leadership tant du gouvernement de la nation crie que des différentes communautés pour protéger les territoires. Les Innus ont aussi beaucoup de projets de protection. Mais il ne faut pas cloisonner les Autochtones dans la protection du territoire parce qu’il y a aussi des projets de développement super intéressants pour eux; je pense aux projets d’éolienne sur la Côte-Nord. Ils sont dans une recherche d’équilibre. […] Le gouvernement québécois aussi a avancé; c’est un dossier sur lequel on est relativement satisfaits à la SNAP. On a atteint l’objectif de protection du territoire de 17 % en 2020. […] On est sur une bonne lancée au Québec pour ça. »

Le gouvernement de la nation crie a préféré ne pas commenter le dossier, devant préalablement s’entretenir avec l’Association des trappeurs cris.

Planification écologique

Le développement durable est une des quatre orientations de la SPN. Pier-Olivier Boudreault tout autant qu’Yvan Croteau lui opposent le concept de planification écologique du territoire. « C’est essentiel de faire de la planification écologique, avance M. Boudreault, c’est-à-dire de voir quelles sont les valeurs à protéger dans le Nord. C’est un milieu fragile, surtout avec les changements climatiques. La planification écologique définit quelles sont les zones importantes au niveau écologique ou culturel. Ensuite, on peut ouvrir la porte au développement dans le reste du territoire. Ça emmène de la prévisibilité pour l’industrie. »

Selon l’analyse du directeur de la conservation, la SPN est davantage dans le développement à la pièce.

Une logique du Sud

« Le développement durable ne fait pas de distinction entre les régions écologiques, affirme pour sa part Yvan Croteau, un spécialiste de la planification écologique du territoire et ancien résident du Nord-du-Québec. On applique dans le Nord la logique du Sud alors que les changements climatiques vont être extrêmement plus complexes et difficiles à gérer dans le Nord. Le développement durable, c’est l’équilibre des trois plateaux – l’économie, l’environnement et le social -, alors qu’on sait que c’est toujours l’économie qui tranche de toute façon. Dans la planification écologique, on va mesurer ce qu’il est possible de faire en tenant compte des éléments fragiles du territoire, y compris l’élément humain. »

Pour M. Croteau, le Plan stratégique ne vise pas l’autonomie des communautés nordiques, mais l’attrait du nord pour les affaires aux conditions du marché. Il déplore l’absence dans le Plan des enjeux liés aux déterminants sociaux (réseau familial, habitation, éducation, etc.) et environnementaux (climat, biorégion, habitats fauniques).

Insatisfaction

Quand on regarde la provenance des membres de l’Assemblée des partenaires, il y a des visions et des perspectives différentes sur les enjeux, concède le président-directeur général de la SPN, Patrick Beauchesne.

Le Plan stratégique 2023-2028 fait état d’un taux de satisfaction au sein de l’Assemblée des partenaires qui n’est pas à la hauteur des attentes et qu’on entend augmenter.
« Cette insatisfaction porte sur le fonctionnement de l’Assemblée des partenaires, précise toutefois M. Beauchesne. On a fait les réunions en virtuel durant la pandémie. Le taux de participation a pu être inférieur à ce qu’on souhaitait. Et quand les gens participent moins, on sent qu’il y a moins de dynamique qui se crée. Il faut continuer à motiver les gens et qu’ils nous amènent des enjeux sur lesquels se positionner. […] C’est important, ils sont nos yeux et nos oreilles sur le territoire. »

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