Un recueil de légendes cries

Les récits de notre terre : les Cris Presses de l’Université Laval, collection Tradition orale 2020, 160 pages

Castors géants, cannibales, grenouilles malfaisantes et autres loutres rieuses peuplent les contes cris rapportés par Daniel Clément.

Ancien conservateur d’ethnologie au Musée canadien des civilisations et professeur d’université, Daniel Clément dirige aux Presses de l’Université Laval une collection consacrée aux contes autochtones. Le monsieur est un homme d’archives, mais aussi un homme de terrain. Il a, notamment, passé deux mois en Eeyou Istchee avec une famille de Chisasibi lors d’une étude sur l’impact du mercure sur les poissons.

Son présent recueil, Les récits de notre terre : les Cris, contient des histoires provenant de communautés côtières et de l’intérieur des terres. Waskaganish est à l’honneur, avec dix-huit récits rapportés par des missionnaires, mais aussi des chercheurs. Mistissini occupe aussi une bonne place avec 11 histoires.

« On y retrouve des contes de création d’espèces animales et de lieux mais aussi, explique M. Clément, d’autres qui reflètent les relations entre parents, par exemple dans ce récit où le grand chef Ayas, berné par une de ses épouses, abandonne son fils, qui surmonte d’immenses obstacles pour retrouver sa famille. » « La grosse partie de ce récit démontre la débrouillardise, le courage dans des conditions difficiles », décode le consultant en anthropologie.

Manque de repères

Suivre ces contes où même la mousse des pierres a la capacité de s’exprimer, où on peut devenir ami avec son pet, est un parcours semé de perplexité. Leur morale, s’il y en a une, peut échapper au lecteur moyen.
« On est perdus, on n’a pas de repères, convient M. Clément. Ça peut être étrange. » Il est important, selon lui, d’avoir plusieurs versions des mêmes histoires pour voir les différences. « Je confronte toujours les versions. dit-il; ça fait 40 ans que je fais ça. Je suis même capable de déceler les erreurs dans la traduction (du cri à l’anglais ou au français). »
Les contes autochtones, analyse Daniel Clément, sont tissés d’expériences de vie et de survie. « C’est très, très terre-à-terre », ajoute-t-il. Il en veut pour exemple ce récit innu où une loutre et un loup chassent un caribou, et où la loutre finit par entrer dans l’anus du caribou et ressortir par sa bouche. Des analyses anatomiques ont révélé que l’artère dorsale des caribous est ornée de petits trous ressemblant aux traces de pas d’une loutre dans la neige.

Spécificités cries

Les Cris partagent certains héros, comme Tcakabec avec d’autres peuples algonquiens, tel les Innus ou les Micmacs. Les gens d’Eeyou Istchee possèdent leurs propres héros, comme Mass et Chi-chip (un oiseau). Mais certaines de leurs péripéties peuvent se retrouver dans les aventures d’autres personnages de contes algonquiens.
Le castor géant existe dans les mythologies de plusieurs peuples, jusque chez les Gwich’ins du Yukon. Des fossiles prouvent son existence et on estime qu’il pouvait mesurer jusqu’à deux mètres et peser cent kilos. Imaginez les barrages!
Dans Tcakabec et Katcitowusku, le héros combat une immense bête qui pourrait bien représenter un mammouth laineux.
« Ce qui différencie les contes cris, de dire M. Clément, c’est qu’ils sont souvent longs. Évidemment, ils portent également sur les lieux et les voisins qui leur sont spécifiques. Ce sont ici les Inuits et même les Iroquoiens qui, dit-il, se sont rendus jusqu’à la région de la Baie James et y avaient mauvaise réputation. Il rappelle que Nottaway veut dire Iroquois. »
Deux cérémonies liées à des enfants, rapportées par le missionnaire oblat Louis-Philippe Vaillancourt, seraient également uniques à Eeyou Istchee.

À venir

Les Cris est le cinquième titre de la collection Tradition orale, qui, à terme, en contiendra onze. La collection est destinée au grand public. « Elle fonctionne très bien jusqu’à maintenant, assure Daniel Clément, car il y a eu des réimpressions de titres jusqu’à maintenant. »
L’auteur est un spécialiste des Innus; son prochain titre publié aux Presses de l’Université Laval s’intitule d’ailleurs Bestiaire innu 2. Il dirige aussi sa propre maison d’édition, Wampum, consacrée à la littérature.

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