Coup de gueule sur l’autochtonie

Auteur de Indien stoïque, Daniel Sioui est également le fondateur de la librairie Hannerorak et de la maison d'édition éponyme, situées à Wendake.

Dans Indien stoïque, un très court et très libre essai, Daniel Sioui, créateur autoproclamé de la seule maison d’édition autochtone au Québec, Hannenorak, propose des solutions pour améliorer l’avenir des Premières Nations.
Le discours de l’auteur wendat est sous-tendu par des idées maitresses comme la nécessité d’exprimer sa colère et utiliser son énergie à bon escient, et par l’urgence de penser le futur des Autochtones plutôt que de ressasser le passé.« Personnellement, je trouve qu’on entend vraiment trop souvent parler de notre passé de chnoute et pas assez de notre avenir de rêve », écrit Sioui, ajoutant qu’il « faut sortir de notre rêvasserie de vouloir recréer l’Amérique d’avant les Blancs ».

L’Union des premiers peuples
Cet avenir, propose Sioui non sans ironie, pourrait prendre la forme d’une souveraineté-association où les Autochtones du Canada seraient unis tout en conservant leur autodétermination et leurs spécificités culturelles. Selon les possibilités, ils reprendraient le contrôle d’une partie de leur territoire ou négocieraient une entente avec le gouvernement fédéral pour des redevances.
Sioui prend appui sur cette thématique pour questionner le système de gouvernance et le leadership actuel.
Si les conseils de bande ont été imposés par le fédéral, le système des chefs héréditaires, pour plus traditionnel qu’il le soit dans certaines cultures, est loin d’être démocratique.
Sioui dénonce les conflits qui opposent les chefs autochtones les uns aux autres et leur manque d’aptitudes à gouverner. « Pour qu’il se passe quelque chose, il nous faudrait des leaders juste un peu plus doués, avoue-t-il. J’ai beau chercher, je n’en trouve aucun. »
Et il ajoute, grinçant: « Le chef de l’APNQL a l’air d’un bon Jack, mais personne ne semble vraiment savoir à quoi il sert. »

Les gentils francophones

Par-delà son anticipation d’un avenir commun pour les Autochtones, Daniel Sioui s’arrête à la Loi sur les Indiens, à la croyance que les francophones ont eu un comportement plus humain que les anglophones envers les Premières Nations. « Le mythe du gentil Français qui voulait vivre en harmonie avec les Indiens, c’est de la bullshit », lâche-t-il, se demandant même si les Québécois ne sont pas en retard sur le reste des Canadiens en raison de leur supposé refus de « voir les choses en face et de se regarder dans le miroir. »

Manque d’approfondissement

On l’aura compris avec les extraits d’Indien stoïque cités plus haut, l’essai de Daniel Sioui se veut direct et impertinent, aux antipodes de l’académisme. Par le titre et l’humour, il n’est pas sans rappeler l’Indien malcommode (The inconvenient Indian) de Thomas King, paru en 2014.
Par contre, King est un romancier confirmé et affirmait avoir laissé mûrir son ouvrage durant plusieurs décennies.
Ce n’est manifestement pas le cas de Sioui et de son livre. L’auteur concède ne trouver aucun plaisir dans l’écriture et celle du présent ouvrage semble avoir été faite dans l’urgence, à grande vitesse sur un coin de table.
Plusieurs des thèmes manquent de développement, d’approfondissement. Pour expédier la Loi sur les Indiens en deux pages et demie, il faudrait un esprit de synthèse que Sioui ne démontre pas et la curiosité intellectuelle du lecteur reste inassouvie.
Parler d’autonomie et d’autogouvernement sans élaborer sur les modèles qui existent déjà au Canada, sans évoquer une possible place au sein d’une fédération canadienne remodelée, sans parler des langues autochtones, tout cela manque de sérieux.

Courage et humour

Par contre, il faut aussi juger l’Indien stoïque à l’aune d’un de ses objectifs, qui est de susciter la réflexion.
C’est d’ailleurs le premier livre de la nouvelle collection de Hannenorak, Harangues, qui se veut un espace de discussion où les Autochtones « auront la chance de livrer leurs opinions sur la façon de changer les choses ».
On peut en outre souligner le courage et l’humour du brulot.
Daniel Sioui ne se fera pas que des amis en questionnant le leadership des chefs, en affirmant que la vie précoloniale n’était pas un conte de fée, et en soulignant que vivre avec l’obsession que tout est de la faute des Blancs est stérile.
Côté humour, on se surprend à rigoler en pensant à l’adoption d’Elon Musk et aux touristes français; on en aurait pris encore davantage, et Dieu sait que, comme il vaut mieux en rire qu’en pleurer, il y a vraiment de quoi rire.

Daniel Sioui
Indien stoïque
Éditions Hannenorak, collection Harangues
3e trimestre 2021
78 pages

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