Des camions semi-autonomes dans la région

La camionnette de tête munie de capteurs, de senseurs et d'autres équipement utilisée pour les tests.

Engagée dans le développement des transports automatisés, la ville de Matagami annonce que des tests avec des camions semi-autonomes seront réalisés sur route à l’été 2023.

À l’été qui vient de s’achever, les firmes FP Innovations et Research Robotics, partenaires de Matagami, ont numérisé la route Billy-Diamond, le chemin forestier 1055 (relié à Lebel-sur-Quévillon) et une portion de la route 810 vers le projet minier Fénelon, en tout plus de 800 kilomètres. Une partie de ces données sera programmée dans des convois de camions semi-automatisés, aussi appelé pelotons.

Plus près qu’on ne le croit

Le concept, résume le directeur général de Matagami, Daniel Cliche, impliqué dans la démarche, est que deux ou trois camions automatisés en suivent un autre, conduit par un conducteur, et reproduisent ses mouvements. Des camions sans conducteur, ce n’est pas pour tout de suite. « Mais […] un chauffeur qui conduit trois camions, dit-il, ça, on est plus près que ce que les gens pensent. »
Pour M. Cliche, l’automatisation et l’optimisation des transports peut apporter des retombées économiques régionales et Matagami et le Nord-du-Québec sont bien situés pour faire partie de cette filière.
« On a un bon réseau routier peu achalandé et conçu pour le transport », dit-il. Matagami, avec son aire de transbordement reliée à la voie ferrée est un maillon clé entre le Nord et le Sud. « Cette route [Billy-Diamond] se prête merveilleusement bien au transport automatisé […], poursuit M. Cliche. Ça peut être de la marchandise expédiée en train jusqu’à Matagami et ensuite camionnée jusqu’à l’aéroport La Grande. […] Il y a un potentiel absolument incroyable avec cette filière. »

Main-d’œuvre

L’automatisation répond également au problème de recrutement de main-d’œuvre. « Ça amène d’autres types d’emplois […] pour les jeunes de la région, analyse Daniel Cliche. Les jeunes aujourd’hui sont peut-être généralement moins portés vers les métiers manuels. Alors au lieu d’avoir trois camionneurs, tu as un ingénieur en télécommunications, un technicien en instrumentation (et un camionneur]. Les emplois sont différents et tu as beaucoup plus de valeur ajoutée. »
Il semble peu commun qu’une ville, surtout de la taille de Matagami, s’engage comme porteur de dossier.
« Ça prend quelqu’un qui allume la flamme, considère le directeur général de Matagami, parce que les investissements pour convertir les flottes de camion, ça, c’est le privé qui va les faire. Mais développer les technologies à ce stade, il faut que ce soit les organisations publiques qui le fassent. (…) Nous, on fait la promotion de ça. (…) On fait en sorte que les gens se parlent. On agit comme interface entre le privé et le public. »

Prêt ou non?

Le président de l’entreprise forestière Barrette Chapais, Benoît Barrette, trouve qu’il est prématuré de se lancer dans l’automatisation des transports. « Ce n’est pas adapté pour des camions planétaires, sur des routes avec des grosses côtes et des virages en épingle, avec l’hiver et la nuit, considère-t-il. Il est un peu tôt dans le processus. »
Directeur exécutif, développement corporatif chez Chantiers Chibougamau, Frédéric Verreault montre plus d’enthousiasme. « C’est une idée pertinente et qui répond à d’importantes problématiques dans la réalité nordique, affirme M. Verreault. Bien que la réglementation ne soit à l’évidence pas prête, pour un corridor nordique intelligent par exemple, la technologie est prête et nous le sommes aussi. »
À écouter le spécialiste senior en développement des affaires de FP Innovations, Yves Lachapelle, la vérité est quelque part entre les affirmations précédentes. « Research Robotic fait fonctionner des convois de camions avec un seul conducteur en Ukraine, affirme-t-il. La technologie fonctionne bien sur la route asphaltée. »
Mais il concède que, en termes de sécurité, des tests doivent encore être effectués dans des conditions de route non optimales. Il faut s’assurer que les convois réagissent bien s’ils croisent une personne, un orignal, etc. Ensuite, des démonstrations doivent être faites aux législateurs fédéral et provinciaux; leurs résultats détermineront dans quelles conditions et sur quel type de route les pelotons pourront opérer. « C’est à nous de faire nos preuves », concède M. Lachapelle.

Une grande demande

Financée par le privé – l’industrie forestière, entre autres – et les gouvernements, FP Innovations a des bureaux dans plusieurs provinces. Elle est responsable de l’initiative de concevoir des prototypes de camions autonomes pour le secteur forestier et minier et d’appréhender les contraintes de leur exercice sur les routes.
Son récent partenariat avec Robotic Research, qui travaille avec l’armée américaine, a rapidement fait avancer la recherche.
« L’intérêt est partout au Canada, assure M. Lachapelle. On va faire des tests en Ontario, en Alberta, etc. D’ici mars 2026, on veut finaliser les essais et rencontrer toutes les règles de sécurité. »
Des équipements ont été testés avec Chantiers Chibougamau et produits forestiers Résolu, qui sont des partenaires majeurs de FP Innovations.
L’été dernier, un peloton dont la camionnette – et non un camion – de tête munie de senseurs, de capteurs et d’autres équipements, a roulé sur Billy-Diamond, près de La Tuque et au nord de Saint-Félicien.

2023

À l’été 2023, FP Innovations effectuera une série de tests dans le secteur de Matagami, cette fois-ci avec des camions, non chargés puis ensuite chargés. On entend faire ces tests dans une gamme de conditions s’étendant de faciles à difficiles.
« C’est sûr qu’on s’intéresse à ça à cause de la pénurie de main-d’œuvre et des couts », dit de son côté la présidente-directrice générale de l’Association minière du Québec, Josée Méthot. Certaines minières emploient déjà sur leurs sites des véhicules autonomes. Leur utilisation est restreinte par la règlementation de la Commission de la santé et de la sécurité au travail. « La règlementation n’évolue pas à la vitesse de la technologie », critique Mme Méthot.

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