Desjardins fermera ses services à Radisson

La localité de Radisson fait face à la fermeture annoncée de sa seule institution bancaire alors que la plus proche est à Chisasibi, à une centaine de kilomètres.

Pour des raisons de sécurité et de rentabilité, la Caisse populaire Desjardins fermera son comptoir et son guichet de Radisson le 30 septembre prochain, malgré les protestations de certains citoyens et commerçants.

« La fermeture est définitive. On a laissé deux prolongations pour donner aux gens le temps de s’organiser », de dire Manon Goyette la directrice des ressources humaines et des communications de la Caisse populaire d’Amos, dont dépend la succursale de Radisson.
« À moins qu’il y ait une solution qu’on n’ait pas vue, nuance-t-elle. Il y a encore du temps. »

Mme Goyette fait ici référence à l’Administration régionale Baie-James, qui travaille à proposer des solutions pour garder la caisse ouverte. Ces solutions seront d’abord communiquées pour approbation aux élus et à la population de Radisson, à une date indéterminée.

Manque de rentabilité

Desjardins est la seule institution bancaire présente à Radisson si on fait exception d’une machine ATM dont l’argent est d’ailleurs déposé à la caisse. La banque la plus proche, la First Nations Bank of Canada est à Chisasibi, à 106 kilomètres.
Depuis mars 2020, la caisse n’offre déjà plus que des services au comptoir aux commerçants le mardi de 13 h à 15 h, sur rendez-vous.
Selon la directrice des ressources humaines de la Caisse d’Amos, il faut 6 500 transactions mensuelles pour qu’un service de Desjardins soit rentable et il n’y en a que 785 par mois à Radisson.

La caisse compterait 81 membres dans la localité dont seulement deux transigent exclusivement au comptoir. « Les gens font des dépôts et transfèrent dans d’autres institutions », explique Mme Goyette, qui dit que certains membres ne font que deux transactions par mois.

Problème de sécurité

L’utilisation du guichet serait en diminution. Selon Mme Goyette, les gens se servent principalement des applications mobiles et peuvent faire appel aux conseillers des centres de services de Matagami ou d’Amos.
« Ça [la caisse de Radisson] ne répond aux besoins que d’une très, très petite minorité de personnes, avance-t-elle. Nos administrateurs doivent gérer en fonction de ce qui est le mieux pour nos 20 000 membres. »
Par ailleurs, Desjardins se dit préoccupé par des questions de sécurité. La succursale de Radisson serait une des dernières au Québec à n’avoir qu’un seul employé alors que le règlement stipule qu’il doit y en avoir deux. Cela est vrai tant pour le service à la clientèle que pour alimenter le guichet en argent liquide. « Mais l’achalandage ne justifie pas l’ajout d’une ressource supplémentaire », souligne Manon Goyette.

Usage répandu de l’argent comptant

La maitre de Postes Canada à Radisson, Nancy Pelletier, souhaite que Desjardins revienne sur sa décision.
« La prochaine caisse est à 600 kilomètres, précise Mme Pelletier. Ce n’est pas comme d’aller de Chibougamau à Chapais. Et ce qu’on perd comme service, on ne le récupérera pas. »
À la poste, selon elle, beaucoup de gens paient en argent comptant. « L’auberge, l’épicerie et les deux bars ont besoin d’argent, l’hôpital aussi. On a tous besoin de change et il faut s’en débarrasser aussi à un moment », ajoute-t-elle.
Étant donné la situation, Mme Pelletier s’est arrangée avec un commerçant qui a besoin de numéraire pour qu’il lui échange l’argent des transactions contre un chèque au nom de Postes Canada.
Elle souligne qu’il y a une génération plus âgée qui ne fait pas de transactions électroniques.
« On a besoin de la caisse pour faire des dépôts, pour avoir de l’argent liquide. C’est un service essentiel autant qu’une garderie » se désole Robert Gagnon, propriétaire de maisons et président des Jardins du 53e Taïga.

Des solutions avancées

Le député d’Ungava, Denis Lamothe, s’est impliqué dans le dossier.
« Il y a eu une rencontre en mars via Zoom avec les commerçants, rappelle ce dernier. Suite à ça, l’ex-ministre déléguée au Développement économique régional, Marie-Ève Proulx, a fait des démarches avec les gens de la Caisse. La fermeture a été reportée en juin. »
Un autre délai a ensuite été obtenu jusqu’au 30 septembre.
« Le député et le président de Radisson, Daniel Bellerose, ont fait appel à l’ARBJ pour voir comment soutenir les entreprises de Radisson », explique la directrice générale de l’ARBJ, Marie-Claude Brousseau. « Parce que les citoyens comme vous et moi, on peut se passer d’argent comptant mais, pour les entreprises de Radisson, c’est plus difficile. » Le mandat de l’ARBJ était aussi de documenter la problématique et d’examiner ce qui se fait ailleurs au Canada.
« Les citoyens ont été intelligents dans les solutions proposées, considère Mme Brousseau. Ils ont dit qu’un employé de la localité pourrait peut-être accompagner l’employé de Desjardins pour l’ouverture du coffre-fort. […] Ils ont proposé d’avoir des mesures d’exception à Radisson pour que les exigences de sécurité soient rencontrées. »

Transition dans le domaine bancaire

Ici et ailleurs, plusieurs institutions bancaires ferment leurs centres de services et guichets automatiques, particulièrement depuis la pandémie. Selon un article du Journal de Québec du 29 janvier dernier, Desjardins a réduit son parc de guichets de 19,5 % depuis cinq ans. Selon le site Internet Atlantico.fr, en France, les distributeurs de billets se chiffraient à 48 710 en 2020 alors qu’il y en avait 56 000 une décennie plus tôt.

« En Saskatchewan, au Manitoba, il y a eu un mouvement de fermetures de services comme ça, observe Mme Brousseau. La seule différence, c’est que Radisson est vraiment isolé. Ce n’est pas comme en Abitibi-Ouest, où cinq comptoirs ont été fermés à 30 minutes de La Sarre. Mais ils ne sont pas à 30 minutes de rien. On sait que ce n’est pas rentable. On comprend qu’il y a des trucs à travailler pour la sécurité mais, en même temps, c’est un service essentiel. Quand tu coupes des services comme celui-là, comment tu assures ensuite la vitalité de ces milieux, l’occupation du territoire? »

Selon Mme Brousseau, les commerçants à Radisson fonctionnent tous avec de l’argent. Il a été proposé à Desjardins que, à tout le moins, le guichet reste ouvert, mais cette proposition a été rejetée par le mouvement coopératif.
D’après la directrice de l’ARBJ, les guichets, dans leur ensemble, auront disparu d’ici une décennie.

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