Développer la Baie-James par les traditions autochtones

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Un nouveau pan du potentiel touristique du Nord-du-Québec, le tourisme autochtone, amorce son développement lentement mais surement. Le territoire situé au-dessus du 49e parallèle pourrait devenir une destination bien plus attirante aux yeux des touristes grâce à cet attrait.

Rendu à la fourche entre Chapais et Oujé-Bougoumou, la Jeep tourne à droite et emprunte une route de gravier pendant une dizaine de minutes, pour nous emmener jusqu’aux rives du Lac Scott. Lorsqu’on nous dépose dans une clairière, on aperçoit tout de suite plusieurs abris traditionnels cris fait avec du bois, de la mousse ainsi que des toiles. Au-dessus de celles-ci, de la fumée s’échappe par une petite cheminée pour venir nous picoter le nez avec les effluves de viande fumée traditionnellement. Si ce n’était pas du grand chalet en bois rond avec des panneaux solaires au bord de l’eau plus loin, on pourrait se croire dans les années 40, avant que la plupart des villes jamésiennes ne soient fondées.

Nous voici rendus sur le site Nuuhchimi Wiinuu, qui signifie «homme des bois» en cri, c’est le plus récent projet de Cree Outfitting Tourism Association (COTA), après l’Institut culturel cri Aanischaaukamikw, le musée bâtit à Oujé-Bougoumou. Inauguré le 1 avril, cet investissement de 400 000 $, propose aux touristes de pratiquer des activités issues du mode de vie traditionnel cri, comme des randonnées en raquettes, de la pêche sur glace ainsi que les techniques de piégeage et d’artisanat traditionnel notamment. Les touristes sauront même écrire leur nom en cri syllabique s’ils le désirent en quittant le site. 

Tourisme vert et authentique

«Je crois que c’est le futur du tourisme ici. Les gens veulent vivre une expérience authentique dans la nature, loin de la ville. En plus, ce genre de projet n’est pas contradictoire avec nos valeurs traditionnelles», explique Robin McGinley, directrice de COTA et d’Eeyou Istchee Tourism.

Le site, qui est animé par ses propriétaires, Anna (qui fait partie du C.A. de COTA) et David Bosum, est l’un des plus écologiques de la Baie-James, voire du Québec, puisqu’il s’appuie entièrement sur des ressources énergétiques alternatives. Des panneaux solaires fournissent  l’électricité, le chauffage avec une autonomie de 72 heures et les toilettes sont compostables.

 

coaché

Un autre projet similaire est présentement développé par COTA. Le site «Shammy Adventures», sera situé près du camp d’Éléonore et de la communauté crie de Wemindji. Il offrira des séjours plus longs, dans un milieu davantage sauvage, avec plus de possibilités pour faire des sentiers, des promenades en canot, etc. COTA a d’ailleurs entrepris une campagne de publicité aux États-Unis et une agence de voyage sera aussi mise en place en juillet. Anna Bosum se rendra d’ailleurs à Rendez-vous Canada, le plus grand salon de tourisme au Canada pour faire la promotion de Nuuhchimi Wiinuu.

Implication jamésienne nécessaire

Mitchell Dion, directeur de Tourisme Baie-James, croit aussi que ce type de tourisme a un grand potentiel dans la région, mais à certaines conditions. «C’est de plus en vogue, mais souvent les gens ne partiront pas deux semaines seulement pour ce genre de tourisme. Si on regarde les statistiques, un touriste fera en moyenne quelques heures de tourisme autochtone dans tout son voyage.»

 

La solution? Les communautés jamésiennes doivent offrir des services touristiques complémentaires, comme de l’hébergement, du tourisme d’aventure, entre autres. M. Dion croit que les visites de sentiers de FaunENord, les pourvoiries, les hôtels ainsi que Marina Chibougamau représentent un pas vers la bonne direction. C’est d’ailleurs la façon dont les Jamésiens peuvent aussi profiter des retombées économiques du tourisme autochtone, selon le directeur. «La Baie-James bénéficie d’une connotation mystique. C’est lointain, historique et peu connu. Le tourisme autochtone vient s’ajouter à la chasse et la pêche», souligne-t-il. 

 

Alain Adrien Grenier, un professeur du département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal, va plus loin à propos des conditions gagnantes pour le tourisme de la région. «Il ne faut pas oublier qu’en tourisme, ce sont les clients les plus demandant; ils sont en vacances, ils ont un temps limité et peu d’attention parce qu’ils ne veulent rien manquer. Ça prend donc des «marqueurs», des symboles forts devant lesquels on se prend en photo. Le touriste doit vouloir les collectionner dans un circuit. Quels sont les marqueurs de la Baie-James, c’est la question à se poser», expose-t-il.

 

En regardant les ainés cris tanner vaillamment une peau d’orignal tout en faisant fumer un castor près du poêle dans un des abris de Nuuhchimi Wiinuu, on ne peut que se dire que les communautés cries de la Baie-James possèdent certainement quelques-uns de ces «marqueurs».

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