Échange sur la santé mentale avec Jonathan Painchaud

Ex-leader du populaire groupe Okoumé, auteur-compositeur-interprète de talent qui poursuit sa carrière solo depuis, Jonathan Painchaud a une longue feuille de route pavée de succès. L’implication sociale en filigrane de son parcours, c’est avec grand plaisir qu’il participera au Show du Zéphir, en édition virtuelle le 14 novembre prochain, au bénéfice de la sensibilisation pour une bonne santé mentale et la cause des personnes aux prises avec une problématique en santé mentale. Discussion sur l’équilibre et la perte de celle-ci avec un artiste clairvoyant.

Jonathan, pour toi, qu’est-ce que la santé mentale?

C’est avoir un équilibre intérieur. C’est quelque chose qui est différent pour tout un chacun. On a tous une façon propre à soi d’appréhender le monde qui nous entoure, d’interagir avec et de digérer les informations que l’on reçoit, les stimuli, les discussions. On a tous des codes différents et des manières différentes de voir les choses, et on a tendance à penser qu’il devrait y avoir une façon unique de réagir dans la vie pour être, entre gros guillemets, « normal ». Or la normalité est bien plus vaste que ce qu’on s’imagine.

Est-ce que, selon toi, santé mentale rime avec maladie mentale?

Y’a une grosse nuance entre santé et maladie selon moi. Pour la grande majorité des gens, on vit du stress, de la pression, des bouts de dépression, de l’angoisse, de l’anxiété. Tout ça, c’est toutes des petites lumières que notre corps nous envoie, des petits drapeaux qui se lèvent pour nous dire de faire attention, de regarder ce qui est en train de se passer, que si tu as de l’inconfort maintenant, ça veut peut-être dire qu’il y a quelque chose dont tu dois tenir compte avant que la situation ne s’aggrave. C’est comme un bobo qui saigne… Si tu ne mets pas un plaster, ça se peut que ça s’infecte! C’est important de se trouver des stratégies, de se trouver des outils pour être à même de reconnaitre ces signes-là et être capable d’agir, et d’avoir un certain pouvoir en fait, de ne pas être juste une victime de l’inconfort que les symptômes amènent. Parce que, si quelqu’un est longtemps à ne pas s’occuper de sa santé mentale, éventuellement ça peut peut-être glisser vers de la maladie mentale…

As-tu toi-même déjà souffert d’épisodes dépressifs ou d’anxiété?

Oh oui! Je suis une personne foncièrement propice à l’anxiété dans la vie, depuis que je suis tout petit. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai toujours eu une tendance à, si je mets de l’emphase sur ce qui pourrait mal aller, ça peut vite tomber dans une boucle où l’aspect négatif peut rapidement se nourrir et grossir, grossir, grossir, si bien que j’ai vraiment de la misère à sortir de ça pour revenir à une version de ce scénario hypothétique là qui pourrait être potentiellement positif. Évidemment, ces épisodes étaient encore pires quand j’étais en consommation. Là ça pouvait vraiment tourner « dark » et déséquilibrant! Ça pouvait aller très loin dans le « spin » du scénario catastrophe! Ouf!!!

Est-ce que de faire de la musique et d’en composer est bénéfique pour ton équilibre et ton bien-être mental?
C’est difficile d’imaginer ce qu’aurait été mon cheminement psychologique sans la chanson. D’avoir un espace pour être créatif, d’avoir un « terrain de jeux » pour la créativité, ça te permet d’être intimement relié avec ce qui se passe à l’intérieur, donc c’est une chance, un privilège. La musique, ça te force à regarder en dedans de toi parce que, quand on écrit une histoire, souvent on puise l’inspiration dans notre vécu et on essaie d’être le plus proche de la vérité possible. Or, quand on soulève des roches, ça laisse passer un peu de lumière, ça fait faire du ménage. Et tu sais, des fois, inconsciemment, quand on écrit on est capable de se dire des affaires qu’on aurait peut-être même pas envie d’entendre si ça venait de quelqu’un d’autre. Mais le fait d’être créatif, on dirait que ça permet d’avoir un regard sur soi bien plus juste, et aussi bien plus dur, mais aussi bien plus tendre, que celui des autres. Et ça, oui, ça fait du bien!

Selon toi, est-ce que les gens ont encore beaucoup de préjugés face à la santé mentale?

Oh oui, beaucoup! Je dirais qu’on est encore à « l’âge de pierre » en ce qui a trait à l’ouverture par rapport à la santé mentale. On dirait que ça commence à s’améliorer, lentement, mais je pense que, malheureusement, beaucoup de gens ont encore comme première impression l’image de quelqu’un en camisole de force dans une pièce rembourrée lorsqu’ils pensent à la santé mentale. Ce qui n’est vraiment pas proche de la réalité… Je ferais un parallèle avec l’entretien d’une voiture : c’est comme si on pensait que notre voiture n’a pas besoin d’être entretenue, que ses composantes n’ont pas besoin d’être vérifiées. Ça n’a pas de sens! Notre voiture, on sait qu’aux saisons y faut faire un changement d’huile, une vérification des fluides, s’assurer de faire les ajustements adéquats, vérifier la pression des pneus, etc. La santé mentale, c’est aussi important de la « vérifier », et d’être dans une dynamique d’entretien constant. Mais les préjugés freinent l’élan d’ouverture et la prise de conscience. Pourtant, les gens devraient pouvoir se sentir à l’aise de parler de ce qu’ils ressentent par rapport à ce qui se passe, de leurs inquiétudes, de leurs angoisses, de leurs sentiments d’impuissance. Ça devrait être un acquis universel que l’on vit tous ça à différents degrés et qu’on a le droit d’en parler, et non seulement avoir le droit d’en parler, mais ça devrait être valorisé d’en parler! Personne ne devrait se sentir jugé d’aller chercher de l’aide quand ils en ont besoin, quand ils ont de la misère à se tenir la tête en dehors de l’eau. Vois-tu, des actions comme vous autres posez là, le Zéphir, avec un évènement de sensibilisation à grand déploiement, vous êtes en train d’être des outils du changement. Bravo!

Crois-tu qu’une personne en difficulté se doit d’aller chercher de l’aide?

Ben oui, absolument! C’est l’évidence même! Si tu te casses un bras, tu ne te poseras pas la question à savoir si tu vas à l’hôpital ou pas. Y’a pas personne qui va rester chez lui à se strapper deux bouts de bois en guise d’attèle en se disant que ça va guérir tout seul, voyons donc! Or, pourquoi tu restes là tout seul chez toi si tu es en détresse psychologique? Y’a de l’aide qui existe, des organismes, des spécialistes qui sont en place. Vas-y!

En conclusion, quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui a des difficultés et qui les vit seul, qui vit de l’isolement, de la solitude?
Dans les derniers 6-7 mois on en a tous vécu de l’isolement. C’est important, je crois, de « lever le drapeau », de demander du support, c’est vraiment important de ne pas laisser l’isolement et la solitude empiéter sur notre qualité de vie. On est des animaux sociaux, les humains. On n’est pas fait pour vivre tout seul, comme les chiens pis les loups. Pis, tu sais, la vie roule vite, le boulot, les enfants, la maison, etc. Donc ce n’est pas tout l’temps tout l’monde qui est à l’écoute, qui a le temps de faire un tour d’horizon de son cercle social pour se demander si telle ou telle personne va bien, si tout est sous contrôle. Or si, toi, tu vis de l’isolement, ben lève la main. Lève la main! Y’a probablement des gens dans ton entourage qui vont être heureux d’être capables de t’aider…

Facebook
Twitter
LinkedIn
Imprimer

ARTICLES SUGGÉRÉS