La Cour suprême du Canada refuse d’entendre Strateco

Le grand chef du gouvernement de la nation crie, Abel Bosum.

Ressources Strateco a perdu la dernière possibilité de récupérer les 200 M$ prétendument perdus dans son projet de mine d’uranium en Eeyou Istchee alors que la Cour suprême du Canada refuse d’entendre sa cause.

Cette décision avec dépens aux frais de Ressources Strateco, prise le 15 octobre dernier, est un refus de considérer l’appel de la décision de la Cour d’appel du Québec, survenue en janvier 2020. Comme d’habitude, les juges de la Cour suprême n’ont pas expliqué leur décision.

« Nous sommes heureux que la Cour suprême ait décidé de ne pas entendre l’appel », a fait savoir le grand chef du gouvernement de la nation crie, Abel Bosum. « Ce dossier a toujours été plus important que le simple Projet Matoush. C’est une affirmation signifiante de nos droits issus de traités. Cela maintient l’intégrité du processus unique de révision des impacts environnementaux et sociaux établi par la Convention de la Baie-James et du Nord québécois. »

Un rappel

Ressources Strateco est une compagnie majoritairement canadienne, avec des actionnaires américains et australiens. En 2006, elle a commencé à développer le projet uranifère Matoush dans les monts Otish, à environ 210 kilomètre au nord-est de Mistissini. La teneur en uranium du lieu était considérée comme une des plus élevées au monde.

Les claims détenus par Strateco étant situés sur des terres de catégorie III, le projet Matoush est assujetti à un processus d’évaluation environnementale distinct de celui établi dans la Loi sur la qualité de l’environnement.
S’il reçoit quelques approbations, dont celle de la Commission canadienne de sureté nucléaire, il se heurte principalement au manque d’acceptabilité sociale des Cris. En 2010, une assemblée extraordinaire de la nation crie de Mistissini vote à 94 % contre le projet. Deux ans plus tard, la nation crie déclare un moratoire permanent sur l’uranium sur son territoire; le Québec l’imite, mais de manière provisoire, en 2013. La même année, le ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles du Québec refuse d’émettre un certificat d’autorisation à Strateco.
La compagnie prétend que le moratoire québécois est une expropriation déguisée et demande une indemnité correspondant à ses dépenses ainsi qu’à des dommages et intérêts. La Cour supérieure du Québec lui exprime un refus en 2017, refus réitéré par la Cour d’appel en 2020.

Aucune crainte des Cris

Le directeur général du gouvernement de la nation crie, Bill Namagoose, affirme n’avoir jamais craint que la Cour suprême n’infirme les jugements précédents. « Toutes les opinions légales nous disaient qu’on avait un cause solide », assure M. Namagoose.

Pour lui, la tentative de Ressources Strateco ressemblait à une prière, à un Je vous salue Marie. « La balle était dans leurs mains et ils espéraient que quelqu’un l’attrape », dit-il. M. Namagoose rappelle que le projet de mine devait passer à travers la section 22 de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ), y compris l’évaluation des impacts sociaux et environnementaux, ce qui fut un échec.
« Strateco a essayé d’attaquer le gouvernement du Québec parce qu’elle perdait son investissement, rappelle-t-il. Et parce que le gouvernement utilisait la loi – la CNJNQ. Mais c’est une loi. Hydro-Québec l’a signée, la Société de la Baie-James l’a signée, les Cris, le Québec et les Inuits aussi. »

Le directeur général du gouvernement des Cris considère que l’exploitation de l’uranium est dangereuse. « Le projet était situé en haut de la rivière Mistassini, souligne-t-il. Mistissini, Nemaska et Waskaganish sont en aval. Tu ne peux pas avoir une mine d’uranium en haut du courant où tu vis. […] Nous sommes en faveur de projets et de développements, mais pas d’uranium. »

Moratoire non permanent

M. Namagoose considère que la Cour d’appel du Québec valide l’adhésion des Cris comme condition à un développement dans Eeyou Istchee. Ses juges ont pourtant formulé une analyse plus nuancée.
« La participation des Cris, écrivaient les juges Rancourt, Gagné et Cotnam, qui se traduit ici par une absence d’acceptabilité sociale, peut constituer un facteur décisif, mais n’en est pas forcément un, tout au moins en ce qui a trait aux terres de la catégorie III qui sont visées ici. Le ministre aurait pu accorder un poids prépondérant aux autres principes et autoriser le projet malgré l’opposition des Cris. »
Ressources Strateco n’a pas répondu à la demande d’entrevue de La Sentinelle.

Bas de vignette : Le grand chef du gouvernement de la nation crie, Abel Bosum.
Crédit photo : Archives

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