La COVID-19 chez les Premières Nations

Sophie Picard, gestionnaire des services de santé de la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador.

À l’heure où se dessine une seconde vague de COVID-19, le gouvernement québécois doit mieux communiquer avec les Premières Nations et tenir compte de leurs besoins linguistiques. C’est un des éléments qui est ressorti du Bilan de la pandémie de Covid-19 chez les Premières Nations au Québec, présenté le 24 septembre, lors d’une conférence à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.

« Il y a un manque de communication parce que les documents ne sont pas traduits ou traduits longtemps après », explique Sophie Picard, gestionnaire des services de santé de la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador (CSSSPNQL). « […] Ce n’est pas un manque d’effort. C’est un manque de coordination (en termes de mécanismes). Cette question a été abordée à plusieurs reprises avec eux. »

Les problèmes de communication avec le gouvernement québécois dépassent la question des langues selon Mme Picard et la directrice générale du CSSSPNQL, Marjolaine Sioui.

Certains résultats se sont retrouvés sur Facebook avant d’être communiqués aux communautés. Il y a également, souligne Mme Sioui « des zones grises au niveau conflit des compétences » entre le fédéral et le provincial, notamment au niveau du financement. C’est d’ailleurs une des recommandations du CSSSPNQL que le rôle, les responsabilités et l’imputabilité de chacun soient clairement définis.
Un des enjeux primordiaux des communautés des Premières Nations est d’établir des liens avec les agences de santé.
« Pour certaines communautés, précise assure Mme Picard, ça s’est très bien passé, en raison de la langue, de la situation géographique, ou parce que la relation était déjà établie. […] Parfois, ça s’est même bonifié. »
Pour améliorer la situation, les Premières Nations veulent être impliquées au plus haut niveau, par exemple dans les stratégies de dépistage et de vaccination.
« Mais il y n’y a aucune discussion nationale malgré des demandes répétées des Premières Nations », déplore Sophie Picard.

En Eeyou Istchee

Chez les Cris d’Eeyou Istchee, le défi n’était pas tant d’ordre linguistique que structurel, selon la coordonnatrice des communications au Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James (CCSSSBJ), Katherine Morrow.
« Contrairement à d’autres régions, explique-t-elle, nous n’avons pas de laboratoires et d’hôpitaux, alors que les lignes directrices [du ministère de la Santé] sont écrites pour des institutions de santé standardisées. Il a fallu ajuster ça à notre structure. […] C’était un gros travail pour notre système de santé. […] C’est une des raisons pour lesquelles nous avons créé un site Internet pour partager toute l’information sur le COVID-19 avec la population et les professionnels. »
Mme Morrow concède toutefois que la traduction des documents relatifs à la santé n’est pas ce qu’elle pourrait être. « Nous investissons des fonds pour traduire certaines choses nous-mêmes, pour combler le fossé, parce que nous savons qu’il y a un fossé », affirme-t-elle. […] « Nous partageons aussi des traductions avec d’autres régions. Mais je pense que davantage doit être fait pour rendre la documentation en anglais accessible dans les régions. Il faut une approche plus coordonnée.»
Mme Morrow spécule que le problème a peut-être été moins critique chez les Cris, qui bénéficient d’une population relativement nombreuse et d’un bon système de traduction déjà en place. Quand la crise a commencé, le CCSSSBJ a lui-même procédé à la traduction en anglais et en cri de nombreux documents. Ensuite, l’Institut national de la santé publique du Québec a augmenté son rythme de traduction en anglais.

Le bilan

Les statistiques compilées par la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador excluent les membres des Premières Nations vivant en milieu urbain ou en transit dans d’autres communautés.
Selon ces chiffres, en date du 22 décembre 2020, il n’y aurait qu’un seul décès et 47 cas déclarés dans 12 des 31 communautés.
« Considérant le grand taux d’infection au Québec, commente Marjolaine Sioui, il y a d’excellents résultats chez les Autochtones du Québec. »
« Les chefs (et les organisations) ont été très proactifs, analyse Sophie Picard. Ils ont pris des décisions très difficiles au point de vue économique pour protéger la santé. Le télétravail a été mis de l’avant sans que les logiciels soient nécessairement là. »
Les recommandations du CSSSPNQL ont été partagées avec le Gouvernement du Québec tout au long de la première vague. « Nous poursuivons nos efforts en ce sens », indique Mme Picard.

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