La formation, clé de la transition énergétique

« Le manque de formation est un frein majeur, c'est vraiment ressorti de notre étude souligne la président-directrice-générale de l'INMQ, Christine Duchesneau. Le diplôme professionnel d'engins de chantiers doit être actualisé. » (INMQ)

L’absence d’une main-d’œuvre qualifiée est le principal frein à l’intégration massive d’engins miniers électriques et hybrides selon un nouveau rapport de l’Institut national des mines du Québec (INMQ).
La mise en place de la version électrique et hybride des foreuses, chargeuses et autres pelles mécaniques est plutôt rare à l’heure actuelle, alors qu’elle pourrait contribuer à la diminution de la production de gaz à effet de serre par l’industrie minière, qui repose une grande partie sur l’utilisation du diésel.

92 % des 24 mines et projets miniers ayant répondu au sondage de l’INMQ estiment que l’industrie minière québécoise entreprendra sa transition vers des engins hybrides ou électriques d’ici 2030. L’industrie estime qu’elle atteindra le seuil de 50 % d’engins miniers hybrides ou électriques dans ses parcs d’engins au Québec autour de 2034.
Encore faut-il des travailleurs capables d’entretenir et de réparer ces engins.

Une mise à jour s’impose

« Le manque de formation est un frein majeur, c’est vraiment ressorti de notre étude, souligne la président-directrice-générale de l’INMQ, Christine Duchesneau. Le diplôme professionnel d’engins de chantiers doit être actualisé. […] Les circuits et les symboles, le câblage haute tension, c’est inexistant dans le diplôme d’études professionnelles actuel. »
La formation devra aussi mettre l’accent sur les convertisseurs, la sécurisation du milieu de travail, les connexions en série ou en parallèle. Ces éléments font partie des nouvelles compétences à acquérir.
« Il faudra actualiser les savoirs des gens déjà en place », observe l’auteur de l’étude, Nicholas Théroux.
L’Ontario compte deux centres où les étudiants sont formés aux nouveaux engins hybrides, le Collège Boréal et Cadmium.

En français à Sudbury

En février 2021, Boréal, un collège francophone, s’est associé avec l’équipementier suédois Épiroc pour offrir un nouveau programme de formation en entretien de véhicules électriques à batterie.
« Les cours sont données par des gens de l’industrie, souvent à des gens qui travaillent déjà dans le secteur minier », explique la directrice au développement des affaires de Boréal, Julie Nadeau.
Le Collège Boréal a déjà formé une vingtaine de participants au premier cours, qui en est un d’initiation. Les cours 2 et 3 seront donnés à l’automne. « Ça va très bien. Il y a une liste d’attente », note Mme Nadeau.

Informer le ministre

L’Institut minier du Québec présentera en avril un avis au ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, portant sur l’urgence de former la main-d’œuvre à la maintenance et à la réparation des engins hybrides et électriques.
¬ « Nos messages sont souvent porteurs, ça va être bien reçu, assure Mme Duchesneau. […] 2030, ça peut sembler loin mais c’est maintenant. »

Autres facteurs

La présidente directrice générale de l’Association minière du Québec, Josée Méthot, émet une analyse plus nuancée sur l’impact de l’absence de main-d’œuvre qualifiée.
« C’est un des freins, reconnait-elle, mais pas le seul. Les minières finissent par se débrouiller pour faire l’entretien, même si ce n’est pas facile; c’est du matériel sophistiqué. La rareté de la main-d’œuvre peut ralentir leur enthousiasme à faire la transition. »
Mais celle-ci est commencée et va continuer, assure Mme Méthot.
« Les investissements de départ peuvent aussi être un frein, ajoute-t-elle. Si ta mine a une espérance de vie de six ans, tu ne vas pas faire des investissements pour changer d’équipement, car tu n’auras pas le temps d’amortir l’investissement. »
Mme Méthot rappelle que, en outre, l’électricité n’est pas disponible partout, dans le Nord par exemple, et qu’utiliser du diesel pour produire l’électricité serait contreproductif.

Transitions et mines souterraines

Le récent rapport de l’INMQ fait état de ces difficultés. Ce sont 33 % des répondants au sondage qui ont identifié le manque de main-d’œuvre qualifiée comme le principal obstacle à l’intégration d’engins électriques ou hybrides. Viennent ensuite, à égalité (22,2 %) l’importance des investissements de départ et la durée de vie trop faible pour que la transition soit rentable.

Les entreprises les plus près de la transition énergétique sont celles au sud du 49e parallèle, les projets miniers qui entreront prochainement en exploitation et les sites miniers souterrains.
Plusieurs raisons expliquent ce dernier cas, selon Nicholas Théroux. « Les équipements hybrides sont davantage disponibles en tailles petite et moyenne, dit ce dernier. La technologie n’est pas rendue au surdimensionné. » Il ajoute qu’ils permettent des économies dans le système de ventilation par rapport à des moteurs à énergie fossile. La nouvelle technologie émet moins de gaz, mais génère aussi moins de bruits et de vibrations.

À la mine Borden Gold, de Newmont, en Ontario, la transition n’est pas un projet, mais une réalité. Le rapport de l’INMQ rapporte que la totalité des engins miniers y sont électriques. L’entièreté du parc d’engins miniers de cette mine est électrique, grâce à des subventions de 5 M$ des gouvernements canadien et ontarien. « Il y a des initiatives intéressantes en Suède et en Australie, note M. Théroux, mais c’est difficile de dire qu’un pays est plus avancé qu’un autre. »

Institut national des mines. (2022). Engins hybrides et électriques dans le secteur minier au Québec: perspectives, analyses et besoins de formation. Rédigé par Nicholas Théroux, Val-d’Or, 80 p.

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