La loi pour les jeunes trans contestée

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En virage très, très serré !

EXCLUSIF. Des éléments de la Loi visant à renforcer la lutte contre la transphobie et à améliorer notamment la situation des mineurs transgenres sont jugés discriminatoires et contreviennent aux Chartes québécoise et canadienne des droits et libertés, selon un organisme.

Métro

Elle s’appuie notamment sur les articles 1, 4 et 5 de la charte québécoise, et sur l’article 7 de la charte canadienne, en ce qui a trait au droit à la vie, à la sûreté, à l’intégrité, à la liberté de sa personne et à la sauvegarde de sa dignité.

La requête conteste certains éléments contenus dans la Loi adoptée en juin à l’Assemblée nationale, concernant le changement de nom pour un mineur de 14 ans et plus, et la nécessité pour un mineur d’obtenir une lettre d’un médecin, d’un psychologue, d’un psychiatre, d’un sexologue ou d’un travailleur social qui atteste que le changement de mention de sexe demandé est approprié.

«Cette loi donne un veto aux parents [pour le changement de nom], affirme Gabrielle Bouchard, coordonnatrice du soutien entre pairs et défense des droits trans du CLCOG. À partir de 14 ans, tu peux faire une demande. Mais tes parents peuvent refuser. Dans ce cas, à 14 ans, il faut que tu expliques à un juge que ta vie dépend de ce changement.» La requête précise que beaucoup d’enfants trans n’ont pas le soutien des parents.

Selon la requête, la loi contrevient aussi à l’article 71 du Code civil du Québec, qui ne requiert pas qu’une personne ait eu un traitement médical afin d’obtenir un changement de la mention de sexe. De plus, une attestation est difficile à obtenir pour des jeunes qui ne vivent pas dans les grandes villes, et il n’existe pas de critères pour déterminer ce qu’est une «demande appropriée», mentionne la requête.

«La demande d’une lettre est inappropriée selon moi, confie à Métro un adolescent trans, qui a requis l’anonymat. C’est loin d’être tous les professionnels qui encourageraient une jeune personne trans à faire sa transition socialement, surtout pour ce qui est des services publics. [Aussi], il faut payer pour les rendez-vous, et ce n’est pas tout le monde qui en a les moyens.»

La requête évoque également la possibilité pour une personne trans d’être désignée «parent» sur le certificat de naissance de son enfant et remet en question la nécessité d’être citoyen canadien pour pouvoir changer son nom.

Déni de leur situation. Utilisation des mauvais noms et pronoms. Appels à l’aide ratés. Des adolescents trans dénoncent les réactions et les pratiques d’intervenants qui sont sensés les aider.

Dans un Centre jeunesse, les intervenants interpellent Alice* par son ancien prénom et lui disent «il» au lieu d’«elle», même s’ils sont au courant de l’identité de genre à laquelle elle s’identifie. Dans un foyer de groupe, on dit à un adolescent trans qu’il est une fille et qu’«elle» doit l’accepter. Pour un autre, c’est un appel à l’aide à son intervenant qui a fait plus de mal que de bien. Pour respecter la confidentialité des jeunes qui nous ont parlé, nous ne pouvons révéler les situations précises qu’ils ou elles ont vécues et qui pourraient les identifier. Pour cette même raison, nous n’avons pas communiqué avec les établissements concernés.

«La raison pour laquelle ça n’a pas été si pire pour moi, c’est parce que ma mère était présente, nous a confié un des jeunes. Il y a beaucoup d’enfants dont les parents ne sont plus présents, et pour eux, [le soutien] revient au foyer. Sans ma mère, je n’aurais jamais eu personne pour me valider.»

Informée des grandes lignes des difficultés vécues par ces adolescents, Gabrielle Bouchard, coordonnatrice du soutien entre pairs et défenses des droits trans au Centre de lutte contre l’oppression des genres, n’est pas surprise. «Les endroits qui reconnaissent les identités trans comme étant légitimes sont rares. Les spécialistes, comme les travailleurs sociaux et les pédopsychiatres, ont très peu de connaissances sur les enjeux trans, observe-t-elle. Ils voient ça comme un caprice. Ça fait juste empirer les choses». Mme Bouchard déplore en outre le manque de formation aux enjeux trans.

Avec la nouvelle Loi visant à renforcer la lutte contre la transphobie et à améliorer notamment la situation des mineurs transgenres, les mineurs qui désirent déposer une demande de changement de mention de sexe devront obtenir une lettre d’un médecin, d’un psychologue, d’un psychiatre, d’un sexologue ou d’un travailleur social qui atteste que ce changement est approprié. Or, les relations difficiles entre des jeunes trans à qui nous avons parlé et leurs intervenants soulèvent des doutes sur la possibilité pour un jeune trans d’obtenir le changement légal souhaité.

«C’est de ça qu’on avait peur. Les cas discutés sont des exemples parfaits de ce qui est un problème avec la nouvelle loi qui est passée en juin, dont tout le monde se pétait les bretelles», avance Mme Bouchard. Elle souligne aussi que le fait de ne pas être reconnu dans son identité trans «aide à entraîner les jeunes dans une colère, dans une peur ou dans un refus du système qui est super fort».

«Le nombre de fois où j’ai vu des gens qui sont “maganés” par le système supposé de les aider, c’est effrayant, poursuit Mme Bouchard. [Ils demandent de l’aide dans des centres de crise et on leur demande] : “T’es trans, es-tu sûr? T’as pas vraiment l’air trans”. [On utilise leur] nom légal, et “elle” au lieu de “lui”.» Selon Mme Bouchard, «les services sociaux ne reconnaissent pas les jeunes dans leur identité tant qu’elle n’a pas été changée légalement.» Il semble en effet que la reconnaissance de l’identité de genre à laquelle des jeunes s’identifient soit soumise à la bonne volonté des intervenants ou des services.

* Les noms, pronoms et identités de genre peuvent avoir été changés.

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