La parole, arme de choix contre le suicide

Dans le cadre de la Semaine nationale de prévention du suicide, j’ai décidé de prendre la parole à titre personnel. Parce que le suicide n’est pas une option. Parce qu’il faut en parler. Et parce qu’il n’y a pas de honte à en parler.

Le suicide a fait régulièrement partie de ma vie. Mon père en est décédé quelques jours avant que je célèbre mon 15 anniversaire. Il était âgé de 48 ans. C’était son énième tentative, mais cette fois, il avait réussi. J’en ai eu pour trois ans à me refermer sur moi-même, à ne pas comprendre.

Au cours de ce deuil que je n’arrivais pas à faire, j’ai été tenté à quelques reprises d’imiter mon père, sans toutefois passer à l’acte. J’ai eu la chance de pouvoir compter sur quelques amis qui ne m’ont jamais laissé tomber. Parfois, sans même prononcer une parole, leur simple présence me faisait du bien. Je comptais pour quelqu’un.

Toujours plus profond

Pendant les années qui ont suivi, j’ai vécu une vie bien remplie. Pourtant, quelque chose continuait à ne pas tourner rond. Je minimisais chaque bonheur pour, au contraire, accorder une importance démesurée au moindre petit incident. Le soutien et la patience de ma conjointe m’ont permis de garder la tête hors de l’eau. Mais la racine du mal, elle, n’avait pas été extraite.

L’épée de Damoclès m’est tombée dessus en 2010. Problèmes de santé, familiaux et professionnels se sont enchaînés au point où, en raison de l’épuisement, le médecin a déterminé qu’un arrêt de travail temporaire m’était nécessaire. Avec le recul, chacun de ces petits écueils n’avait rien d’insurmontable. Mais à ce moment-là, dans ma tête, c’était un monstre qui était en train de me dévorer.

Ce retrait n’a d’ailleurs rien réglé. En l’espace de cinq semaines, l’idée de m’enlever la vie est revenue à deux reprises. J’aurais dû en parler à ma conjointe ou à des amis, mais j’ai gardé le silence. Je me disais que je n’avais pas à imposer ce fardeau à d’autres.

Lorsque ce démon est venu me crier dans les oreilles une troisième fois, j’étais prêt. J’avais déterminé la manière et l’endroit où j’allais procéder. Je ne pensais même plus aux souffrances que cela allait causer dans ma famille. Je voulais juste cesser d’avoir mal.

La réalité en plein visage

Et c’est là que la réalité m’a frappé en plein visage. Que j’ai compris ce que j’étais en train de faire. Et ça m’a terrifié. Je me suis alors rendu sans attendre à l’urgence. Devant le médecin, j’ai vidé mon sac. Je n’en pouvais tout simplement plus. Et ce fut la meilleure décision de ma vie.

Je ne souffrais pas d’épuisement professionnel, mais d’une dépression que je refusais d’admettre. Travailleuse sociale, psychologue, psychiatre, on m’a alors orienté vers tous les services disponibles pour m’aider à me raccrocher: Et quand je lui ai exposé ma situation, mon employeur m’a, contrairement à mes craintes, invité à prendre le temps qu’il faudrait pour guérir.

Briser le mur du silence

Si j’arrive aujourd’hui à évoquer ces jours sombres avec aisance, c’est parce qu’il n’y a tout simplement pas de honte à en parler. Aucune souffrance ne mérite de se terminer par un geste qui créerait plus de mal qu’il n’en règlerait.

Jamais je ne me suis senti stigmatisé parce je souffrais d’une dépression ou parce que j’avais été tenté par le suicide. Parents, amis, collègues, tous m’ont offert leur support inconditionnel. Parce que j’avais choisi de briser le mur du silence face à la détresse psychologique.

Et la parole, c’est la meilleure arme contre cette souffrance.

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