Le chainon manquant

Guillaume Marcotte De freemen à Métis, l'histoire retrouvée des gens libres entre la Baie-James et Montréal Presses de l'Université Laval, 343 pages 1er trimestre 2021.

Alors que la plupart des gens limitent l’existence des Métis aux provinces de l’Ouest, l’historien Guillaume Marcotte postule que des coureurs des bois ont donné naissance à des communautés métisses en Outaouais dans son livre De freemen à Métis, l’histoire retrouvée des gens libres entre la baie James et Montréal.
Montréal et la baie James (Moose Factory, en Ontario), ce sont les deux extrémités d’un corridor navigable largement utilisé pour la traite des fourrures à une époque, et qui passait par la rivière des Outaouais et le lac Témiscamingue.
Guillaume Marcotte travaillait depuis plusieurs années avec les archives de la Compagnie de la Baie d’Hudson sans s’intéresser aux Métis quand il a été intrigué par l’occurrence du mot «freemen » dans celles-ci. Il a décidé d’explorer cette thématique en ajoutant, aux archives précitées, celles du clergé, et en faisant des entrevues avec des descendants de ces freemen.

Un groupe hétérogène

Le terme freemen désigne, au tournant du XIXe, ces anciens employés des compagnies de fourrure qui décidaient de rester en « pays indien » et fondaient une famille avec une épouse autochtone. Aussi appelés gens libres, hommes libres, ils pouvaient être d’origine européenne, canadienne ou autochtone ou même un peu de tout ça.
Guillaume Marcotte note que, dans la documentation qu’il a étudiée, aux conclusions souvent contradictoires, persiste une ambiguïté entre les catégories « gens libres » et « métis » et qu’elle est omniprésente dans la littérature. Il souligne que le terme cri otipemisiwak était parfois employé pour désigner les gens libres, parfois les Métis.
La catégorie freemen regroupe énormément de gens différents concède Guillaume Marcotte.  » La seule constance que j’ai trouvée, précise-t-il, c’est qu’en général, ce sont des outsiders dans les territoires où ils sont. Ils viennent d’ailleurs. »

Occupations

Le livre de Marcotte tente de décrire la diversité du mode de vie des gens libres. Souvent, ceux-ci étaient de petits entrepreneurs admirés par les engagés; ils vivaient de la vente de fourrures sans exclusivité avec une compagnie et obtenaient de meilleurs prix que les Autochtones pour celles-ci et pour les travaux qu’ils effectuaient aux postes de traite. Ils pouvaient aussi pratiquer l’artisanat et l’agriculture à petite échelle et pouvaient même se réengager auprès d’un traiteur de fourrure. Ils étaient reconnus pour leur polyvalence.

Ethnogenèse

L’historien évalue que les mêmes phénomènes qui ont donné naissance aux communautés métisses de Sault-Sainte-Marie ou du nord de l’Alberta se sont produits au Québec : des familles de gens libres qui se sont regroupées en dehors des communautés amérindiennes et des postes de traite et qui ont marié des éléments de cultures autochtones et européennes.
Guillaume Marcotte a identifié quelques sites de ces regroupements : dans la région du lac Sainte-Marie, dans la vallée de la Gatineau, où quelque 15 ou 20 familles de freemen ont installé leurs pénates; la région de Fort-Coulonge, sur la rivière Outaouais ; le nord du lac Témiscamingue.
« Je me suis concentré sur l’émergence des Métis dans l’Outaouais, explique Guillaume Marcotte, parce qu’il y avait plus d’archives, plus de données, et ça semblait évident que ce processus s’était passé en Outaouais. »

Baie-James

Il précise toutefois que des découvertes sur des communautés métisses pourraient être faites en Abitibi et à la Baie-James avec davantage de recherches.
Son livre fait d’ailleurs état de Métis de la baie James qui s’installèrent plus au Sud, comme les Polson, les Knight, les Ellison. Plusieurs de ces personnes avaient un père d’origine écossaise ou anglaise et une mère crie. Il a d’ailleurs rencontré un descendant de Thomas Knight dont il a obtenu des photos reproduites dans l’ouvrage.
Une partie de la famille Atkinson a intégré les Cris, l’autre a joint la communauté métisse de rivière Rouge, au Manitoba.

Une contribution à l’histoire

Guillaume Marcotte croit que son livre pourrait éventuellement contribuer à une reconnaissance juridique de l’existence de communautés métisses au Québec. Il précise toutefois que cette reconnaissance tient à des aspects de droit qui dépassent la recherche historique.
« Mon plus grand souhait, souligne-t-il, c’est de […] mieux faire comprendre le phénomène de l’identité métisse contemporaine, qu’il y a eu [au Québec] un phénomène historique qui ressemble beaucoup à ce qui s’est passé dans l’Ouest. »
L’auteur travaille actuellement sur un livre portant sur les missionnaires catholiques en Outaouais, en Abitibi et au Témiscamingue au XIXe siècle, sur la perception qu’ils avaient de la société de leur époque. Ce livre abordera également les thématiques des Métis, des Autochtones et de la traite des fourrures.

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