Le Nord-du-Québec, dernier de classe

« Le taux de décrochage s'est amélioré, note l'économiste Pierre Langlois. Il y a des gains importants aussi en raccrochage scolaire. »

Selon un récent rapport de la Fondation pour l’alphabétisation, le Nord-du-Québec a le plus faible résultat de la province en littératie. Signé par l’économiste Pierre Langlois, le rapport est basé sur le Programme d’évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA) de 2012, une initiative de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et sur le recensement de 2016.

Le niveau étalon du PEICA, le niveau 3, correspond à la lecture de textes souvent denses ou longs, qui exigent du répondant qu’il « cerne, interprète ou évalue une ou plusieurs informations », selon l’explication de l’OCDE.
« Ça correspond au niveau du cégep et de son bagage littéraire, simplifie Pierre Langlois. Le gros gain en littératie se fait au collégial, avec les analyses de textes, les cours de littérature et de philosophie. »

Le décrochage

Selon l’enquête, en 2016, 53 % des Québécois de plus de 15 ans n’atteignaient pas le niveau 3 du PEICA. Pour le Nord-du-Québec, le nombre grimpe à 64,4 %.
Alors qu’il y a, selon Pierre Langlois, une corrélation « quasi parfaite » entre les niveaux d’études et de littératie, 44,6 % des habitants de la région de plus de 15 ans ne possèdent pas de diplôme, soit plus du double de la moyenne québécoise (19,9 %).
L’âge est le facteur clé dans la littératie; les générations des 65 ans et plus ayant souvent arrêté l’école plus tôt. Un million de Québécois de plus de 65 ans auraient des problèmes de littératie.
Mais dans le Nord-du-Québec, la principale explication des résultats vient du nombre très élevé de décrochages scolaires, notamment chez les Premières Nations.
Cependant, si le PEICA est un système international tenant compte de la langue des répondants, dans le cas présent, l’étude ne prend pas en considération le fait que la langue maternelle des répondants puisse être le cri ou l’inuktitut, qui sont davantage orales qu’écrites, et peu utilisées dans l’enseignement postsecondaire.
« Il y a un enjeu d’évaluation pour les Premières Nations, concède M. Langlois. Toute la question des Premières Nations devrait faire l’objet d’une étude plus précise en littératie en raison de la langue ancestrale. Il faudrait tenir compte de la maitrise de leur propre langue. Il y a de la recherche à faire de ce côté. »

Les régions ressources

Le second facteur expliquant le faible niveau de littératie c’est la composition industrielle économique. « Le profil local de l’emploi [dans le Nord-du-Québec] est lié à de l’industrie lourde, aux ressources naturelles, note M. Langlois. Ce sont des emplois qui nécessitent des profils scolaires où les gains en littératie ne se manifestent pas. Donc ce sont plus des gens avec un diplôme d’études professionnelles, un diplôme d’études secondaires ou pas de diplôme du tout. »
Les régions ressources et éloignées ont reçu les résultats les plus défavorables du rapport.


Chibougamau

Chibougamau se distingue favorablement par rapport à l’ensemble de la région, un peu comme Québec et Montréal face à leur région respective.
« En 2016 57,6 % des citoyens de Chibougamau n’atteignaient pas le niveau trois, observe Pierre Langlois. Ce sont sept points de mieux que le Nord-du-Québec, Ce sont de bons résultats considérant la naturelle industrielle de Chibougamau, qui s’expliquent par une population jeune mais aussi une proportion importante de diplômés (32 % de diplômés collégiaux et universitaires). Environ 25,5 % des citoyens de Chibougamau n’ont pas de diplôme, contrairement à 44 % pour la région.
Pour une ville de ressources naturelles, c’est intéressant même si c’est sous la moyenne québécois. » Autres facteurs positifs: le centre d’études collégiales, des services administratifs gouvernementaux.

La palme

Au niveau de la province, c’est la région Capitale-Nationale qui obtient les meilleurs résultats, avec 49,8 % de sa population n’atteignant pas le niveau 3 du PEICA. « Ce n’est pas une surprise, commente Pierre Langlois, étant donné la présence de l’Université Laval, la technologie et l’administration publique. »
Mais comme partout ailleurs, il y a des disparités régionales. Dans les deux municipalités régionales de comté de Charlevoix, plus de 63 % de la population n’atteint pas le niveau 3. Ce profil scolaire serait expliqué par une économie basée sur les ressources naturelles, l’agroalimentaire et la villégiature.

Mutations

Au fil du temps, on observe une progression générale du niveau de littératie dans l’ensemble du Québec. « Le taux de décrochage s’est amélioré, note M. Langlois. Il y a des gains importants aussi en raccrochage scolaire. En 2020, on pense avoir comblé le retard (de huit à neuf points) qu’on avait face à l’Ontario, s’ils n’ont pas bougé. »

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