Pourquoi je ne suis pas une Indienne | Sur l’identité

Daphné Poirier Pourquoi je ne suis pas une Indienne Écosociété, collection Parcours, 2e trimestre 2022, 146 pages

Fusionnant essai et autobiographie, Pourquoi je ne suis pas une Indienne propose une exploration de l’identité autochtone dérivant vers le plaidoyer écologique.

Les récentes années ont vu s’accumuler la médiatisation de ces cas où des individus s’autoproclament amérindiens, eux dont Grey Owl est le patriarche mythique. Au mieux, on retrouve dans leur ascendance, quelques siècles plus tôt, un lointain ancêtre d’une Première Nation. Ces postures identitaires peuvent procéder d’un trouble narcissique, d’une idéalisation de l’homme primitif fusionnant avec la nature, d’une stratégie pour obtenir des avantages matériels, ou de toutes ces causes.

Les prétentions à un statut autochtone sont également le fait des groupes, on pensera à ceux revendiquant d’être reconnus comme Métis, au Québec notamment, peut-être parfois avec raison. Le débat reste ouvert.

De la génétique à la culture

Sociologue, directrice d’un centre de bénévolat, Daphnée Poirier médite dans son essai au titre spectaculaire, sinon provocateur, sur la notion d’identité d’un point de vue juridique mais peut-être davantage culturel.
Un arrière-grand-père la lie avec la Première Nation des Abénaquis mais malgré, selon l’autrice, une indubitable apparence physique autochtone, cette filiation a toujours été tue, taboue; il faut dire qu’à cette époque, dans la société canadienne-française conformiste, ce n’était pas de mise. Sur le tard toutefois, la mère de Daphnée Poirier et son oncle maternel revendiquèrent leur statut autochtone.

L’auteure elle-même se refuse à une telle démarche même si cette idée la travaille comme un leitmotiv. Le fossé culturel, une manière de dignité et d’empathie pour les souffrances des peuples autochtones l’en ont empêché. Néanmoins, la signification de l’identité autochtone et de l’autochtonie ont « toujours été en filigrane dans sa vie » et son principal objectif dans son court essai sera de réfléchir à ces notions.

Nature et autochtonéité

Dans la seconde partie de l’ouvrage, le caractère autobiographie s’estompe au profit d’une sorte d’inventaire historique des conséquences du colonialisme et d’un réquisitoire environnemental.
La réorientation du discours peut surprendre au départ, mais tire sa cohérence des corrélations élaborées entre Autochtones et nature.

« L’apport des Premières Nations est précieux pour la préservation de la Grande Tortue, voire vital pour l’avenir de notre planète et de nos enfants, écrit l’auteure. […] Je crois qu’il constitue une clé de valorisation identitaire des Autochtones. » Selon l’analyse de la sociologue, la réconciliation avec la Terre et la réconciliation avec les Premières Nations sont une seule et même chose.

L’ouvrage se clôt avec des données statistiques et linguistiques sur les Autochtones du Québec et une initiation aux Abénaquis et aux Métis.

Idées en plan

Dans Pourquoi je ne suis pas une Indienne se côtoient propos savants et intimistes, un côté ouvrage de vulgarisation. Cette démarche quelque part composite constitue en elle-même un intérêt et, servie par une indéniable qualité d’écriture, convaincra nombre de lecteurs et de lectrices. Par ailleurs, le discours de militance sociale et écologique de l’auteur n’est pas nouveau, mais mérite possiblement d’être répété.

Dans une autre perspective, on peut légitimement considérer qu’il eût été préférable que l’auteure abandonne une part de sa polyphonie pour se concentrer sur l’approfondissement de certains éléments.

Il aurait été intéressant que Poirier partage plus longuement son affect et son vécu sur son autochtonéité de cœur et d’apparence. Les passages consacrés à ce thème sont beaux et touchants mais s’arrêtent à l’enfance, au pied de la pudeur et de l’intellectualisation.

Par ailleurs, le concept de métissité est abordé de manière confondante et embryonnaire. L’hybridation culturelle, socle de l’identité des peuples métis, est oblitérée par les considérations sur l’hérédité. Elle offrait pourtant de vastes champs de réflexion sur l’identité et méritait davantage de clarté.

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