Précipitations à la hausse

Le portrait climatique régional a pour objectif de documenter les décideurs pour la planification, gestion, et l'entretien des infrastructures.

Une nouvelle étude sur les changements climatiques et météorologiques qui surviendront dans la région d’ici le XXIIe siècle doit guider les décideurs dans la conception et l’entretien des infrastructures.

Le Portrait climatique régional en climat de référence et futur en soutien à l’analyse des impacts et de l’adaptation aux changements climatiques sur le territoire Eeyou Istchee Baie-James, du nord de l’Abitibi-Témiscamingue et du Nunavik a été présenté à plusieurs ministères et organismes le 5 avril dernier. Il sera disponible aux Publications du Québec dans un minimum de trois mois.

Selon le rapport, les territoires du Nord-du-Québec et du nord de l’Abitibi-Témiscamingue sont « probablement ceux qui connaitront les plus hauts taux de réchauffement hivernal au Canada en 2050 ». Une affirmation qui va dans le sens du constat souvent répété que le nord est à l’avant-garde des changements climatiques.

Plus de pluie

Dans les grandes lignes, le rapport projette une diminution du nombre de jours de gel, une augmentation des précipitations et des débits annuels des cours d’eau (avec diminution estivale), une occurrence accrue des pluies extrêmes.

On évalue qu’en 2040, la durée du couvert de neige en continu pourrait diminuer de 12 à 16 % par rapport à 1991-2020.
À Inukjuak, le nombre de jours de gel, actuellement de 233,3 devrait descendre à 187-197 en 2071. La température journalière moyenne pour la même période grimperait de -5,5 ° Celsius à -0,1°. Certaines différences sont observées entre le Nord et le Sud, par exemple pour les indicateurs hydrologiques.

Deux scénarios sont mis de l’avant dans les projections, le premier avec un niveau d’émissions de gaz à effet de serres élevées alors qu’elles sont plus modérées dans le second.

Pluies extrêmes

Alain Mailhot, de l’Institut national de recherche scientifique (INRS), est l’auteur de la partie du rapport portant sur les pluies extrêmes. « On regarde chaque année, sur une heure, quel est le total de pluie le plus important enregistré, explique M. Mailhot. On fait ensuite une analyse statistique pour estimer quelle est la probabilité d’une pluie qu’on va observer en moyenne à tous les 20 ans […] Dans la littérature scientifique, c’est connu depuis longtemps qu’il va y avoir une intensification des évènements extrêmes. Un évènement de pluie qui arrivait à tous les 20 ans, par exemple 40 mm en une heure, arrivera à tous les cinq ans. »

« Ça entraine que votre route est complètement lessivée, qu’un ponceau part », explique Alain Mailhot. En 2018, il avait déjà recommandé aux décideurs gouvernementaux de penser leurs infrastructures en fonction d’une augmentation de 18 % des précipitations. « Si vous ne majorez pas, votre infrastructure sera complètement sous-dimensionnée, inadéquate. »

Insuffisance de stations

Dans son rapport, M. Mailhot déplore le faible nombre de stations météorologiques nordiques et leur éloignement des centres d’intérêt (communautés, infrastructures, etc.). Il considère que 28 stations ne suffisent pas à couvrir un territoire de cette envergure. « Si vous prenez une station à l’intérieur des terres, explique le chercheur, la météo ne sera pas nécessairement représentative de ce que vous avez sur la côte. Ça veut pas dire que ce qu’on a fait est faux. » Pour pallier au faible nombre de stations dans la recherche, M. Mailhot a recouru à d’autres sources de données. Il souligne que les climatologues et les météorologues demandent depuis 40 ans une augmentation du nombre de stations ; cependant, l’entretien de stations supplémentaires dans le nord générerait des couts importants.

Impacts sur les transports

Directrice générale des projets et de l’exploitation aéroportuaires au ministère des Transports du Québec (MTQ), Danielle Fleury corrobore les propos d’Alain Mailhot quant à l’impact des changements climatiques sur les infrastructures de transport et sur les transports eux-mêmes. Au Nunavik, des pistes d’atterrissage sont construites sur du pergélisol que fait fondre la hausse de la température. De plus, note Mme Fleury, des infrastructures comme les ponceaux, et les systèmes de drainage seront affectées par les précipitations. « Des changements ont été faits dans les documents contractuels au sud, fait-elle observer, mais au nord, les études nous laissent supposer qu’on va devoir revoir également, de manière plus spécifique, les normes et les dimensions pour nos équipements. »

Du long terme

L’adaptation aux changements climatiques entre dans la planification à long terme, dit la directrice, qui parle d’enjeux de conception, de suivi, de monitoring. « Les ingénieurs qui font la conception de nos ouvrages vont approfondir l’impact de ce rapport », rapporte Mme Fleury. Elle souligne en outre l’impact potentiel d’une hausse des précipitations sur la sécurité des transports aériens et la pertinence du rapport pour les partenaires du MTQ comme la Sopfeu, l’Administration régionale Kativik qui exploite les aéroports du Nunavik, et Makivik, qui possède Air Inuit.

2018 en action

Mme Fleury concède ne pas savoir si le MTQ a tenu compte des recommandations de 2018 de M. Mailhot. La coordonnatrice du secteur gestion des risques naturels et des changements climatiques au MTQ, Caroline Ponsart affirme cependant que, depuis le début des années 2000, il y a eu plusieurs modifications aux infrastructures routières, une augmentation des gabarits, par exemple. « Le rapport n’est pas une surprise », de dire Mme Ponsart.

La Société de développement de la Baie-James (SDBJ) est responsable de plusieurs chemins de bois et de la route Billy-Diamond. Le dimensionnement de ses ponceaux tient compte d’une majoration de 18 % des débits, pour prendre en compte les changements climatiques, selon une responsable des communications de la SDBJ.

Adaptation des infrastructures

Hydro-Québec a contribué à la production du rapport du 5 avril. « On avait déjà les données, précise le conseiller en expertise environnementale Jean-Philippe Martin. On travaille activement […] à trouver les mécanismes pour s’assurer que chez Hydro-Québec, on ait accès à cette information pour la considérer dans toute nos activités, autant l’ingénierie que l’exploitation. »
La société d’État, qui avait participé à la création d’Ouranos, s’est récemment dotée d’un comité sur les changements climatiques pour évaluer les risques et les impacts des changements climatiques et finalise un plan d’adaptation sur ce thème.

Feux de forêt

En parallèle, Hydro-Québec travaille avec Ouranos et le professeur de l’Université du Québec à Rimouski, Dominique Arsenault, sur les feux de forêts dans le secteur du triangle Chisasibi, Wemindji et Radisson, du complexe La Grande et de la route Transtaïga.
« On se demande si, avec l’impact des changements climatiques, les risques de feu seront ou non amplifiés, résume Isabelle Chartier, du Centre de recherche d’Hydro-Québec. Le rapport final devrait être prêt cet automne. »

Il vise aussi à évaluer les mesures d’atténuation des feux menaçant les infrastructures.

M. Arsenault aurait réussi à démontrer l’impact de l’âge d’un peuplement d’arbres dans les feux de forêt, affirme Jean-Philippe Martin.
Commandé en février 2020 par le MTQ au cout de 164 000 $, le Portrait climatique régional a été réalisé, outre les organismes précités, par Ouranos et le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques.

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