Projet Lithium Baie-James : Beaucoup de questions et d’attentes

« Je veux être honnête avec moi-même et vous dire que je n’aime pas votre projet, a dit Ena Weapenicappo."

Les représentants d’Allkem, propriétaire du Projet Lithium Baie-James, ont été soumis à un barrage de questions lors de leur passage aux audiences du Comex à Eastmain et Matagami, les 24 et 25 janvier dernier.

Allkem (anciennement Galaxy Lithium) compte mettre en production dès 2024 une mine de lithium à ciel ouvert située près du routier 381 de la route Billy-Diamond. Réputée de classe mondiale, la mine produirait annuellement 321 000 tonnes de concentré de spodumène. Le projet a reçu les autorisations fédérales pour aller de l’avant. Du côté provincial, il attend celles du Comité d’examen des répercussions sur l’environnement et le milieu social (Comex), où siègent aussi les Cris.

Activités de subsistance et environnement

À Eastmain, lors d’une séance perturbée par des défaillances techniques, une dizaine de membres de la Première Nation ont posé des questions portant principalement sur les emplois et l’environnement. On s’est beaucoup inquiété des impacts de la mine sur la chasse et le trappage, avec une emphase particulière mise sur le castor. Ena Weapenicappo a été la plus radicale dans ses propos. « Je veux être honnête avec moi-même et vous dire que je n’aime pas votre projet, a dit Mme Weapenicappo. Nous sommes les utilisateurs de cette terre et nous ne sommes pas prêts à vous dire oui. […] C’est un endroit où aller chercher des petits fruits. Les animaux ne vont pas revenir. Les sources d’eau qui sont là sont nos puits. Si elles disparaissent, est-ce qu’ils nous donneront l’eau dont nous avons besoin? »

Un inventaire annuel

Le chef des opérations canadiennes d’Allkem, Denis Couture, a assuré que sa compagnie a fait durant des années des études d’impacts approfondies et que les rapports sont disponibles.
« On croit avoir répondu à toutes les demandes de clarification, a dit M. Couture à Mme Weapenicappo. L’inventaire des castors a été fait avec le maitre de trappe l’automne dernier et sera fait de manière annuelle. C’est un engagement que je fais devant vous. […] Vous nous avez transmis vos soucis en 2018, spécialement pour l’alimentation et l’eau. Tout ce que vous nous avez dit a été utilisé dans chaque modèle et étude […] qui montrent qu’il n’y aura pas d’impacts à l’extérieur du projet lui-même. » Dennis Moses a demandé que le cri soit la langue officielle sur le lieu de travail. « Ça a souvent été une source de discrimination dans les camps », a-t-il rappelé.

Transports

La question des transports a été abordée tant à Eastmain qu’à Matagami. Denis Couture a affirmé que les camions qui livreraient le minerai à Matagami pèseront 140 tonnes une fois chargés, rien de plus que ce qu’on retrouve actuellement sur Billy-Diamond, selon lui. Il a assuré qu’il n’y aurait pas de convois de camions et qu’un plan a été conçu pour diminuer l’achalandage durant la chasse à l’oie et au printemps, alors que la route est plus fragile. Dans la même optique, le transport collectif des employés est censé être privilégié.

Le vice-président aux Infrastructures de la Société de développement de la Baie-James (SDBJ), Émile Tagho, a annoncé qu’une nouvelle étude serait bientôt terminée sur la capacité de portance des ponts de Billy-Diamond. Il a reconnu que des ajustements pourraient devoir être faits. « Le fédéral est pressé pour émettre un permis, mais il l’est moins pour réparer les routes surtout en gravier, a commenté Ernie Moses. […] Il y a une possibilité qu’on bâtisse un chemin de fer pour le transport. […] Est-ce nécessaire si on a déjà une route?

À Matagami

Chaque jour, 12 camions en moyenne quitteront la mine pour rejoindre l’aire de transbordement de Matagami par la voie de détournement. Les camions y seront entreposés jusqu’à ce qu’ils puissent remplir un train du CN. « Il n’y aura pas d’enjeux au niveau sonore ou visuel pour les citoyens », a assuré le directeur général de Matagami, Daniel Cliche.

À l’occasion de l’audience publique, dont la version en ligne est partiellement inaudible, le maire de Matagami, René Dubé, a livré un plaidoyer passionné pour que sa ville bénéficie de la mine. « On ne veut plus subir le développement, on veut y participer a martelé M. Dubé. […] On a vécu des bonnes intentions, mais on a été des oubliés. On n’a pas la chance d’avoir la Convention de la Baie-James et du Nord québécois qui protège le présent et le futur. […] Aujourd’hui, je compte à la pièce mes citoyens. Présentement, tout ce qu’on entend, c’est qu’on prend le minerai et on le sort. Mais après, il arrive quoi avec nous? On veut que notre positionnement bénéficie à notre développement. […] Je me permets de rêver: pourquoi pas la seconde transformation chez nous? »

L’emploi local

Sur cette dernière question, le chef des opérations canadiennes d’Allkem a répondu prudemment qu’elle impliquait de très grands moyens et expertises, ainsi que du gaz naturel. Cependant, il a assuré qu’Allkem fait tout pour trouver localement du personnel. « Notre agent santé et sécurité reste à Chibougamau. On essaie de chercher des gens sur le territoire pour faire moins de navettage. On avait espoir d’en trouver plus à Matagami. »
« La relation est établie avec Allkem, corrobore Daniel Cliche. Ils nous appellent lorsqu’ils ont un poste à combler. »

Allkem a égalemet rassuré la SDBJ, qui craignait des impacts de la mine de lithium sur les puits d’eau potable du relai routier 381 et sur le lieu d’enfouissement en territoire isolé.

Les citoyens ont jusqu’au 27 février 2023 pour envoyer leurs commentaires à Sophie.Cooper@environnement.gouv.qc.ca

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