Robertine Barry : première femme journaliste du Québec

Le 8 mars est la Journée internationale des droits des femmes. Afin de souligner les grandes avancées réalisées depuis le siècle dernier, survolons le parcours d’une femme affirmée qui a défoncé les normes de son époque : Robertine Barry, la première femme journaliste du Québec.

Robertine Barry voit le jour en 1863 à l’Île-Verte. Fille d’un petit bourgeois irlandais et d’une Canadienne-française, elle grandit aux Escoumins. Souhaitant faire instruire leur fille, ses parents l’envoient étudier quelques années à de Trois-Pistoles et au couvent des Ursulines de Québec. Il s’agit à l’époque du plus haut niveau possible d’études pour les jeunes filles. Elle y développe un intérêt marqué pour l’écriture.

Robertine a cette idée folle : elle veut vivre de sa plume. Drôle d’idée à une époque où la réflexion et l’intelligence sont considérées comme des qualités réservées aux hommes. Après plusieurs demandes d’embauche infructueuses dans divers journaux québécois, Robertine est engagée en 1891 par le journal La Patrie à Montréal. Elle y signera une chronique chaque lundi pendant près de 10 ans sous le pseudonyme de Françoise.

À l’époque, quelques journaux dans le monde commencent à engager des chroniqueuses pour parler des « choses » du foyer. On veut ainsi s’assurer un lectorat féminin. Dès ses débuts à La Patrie, Robertine ne s’encombre pas de chroniques sur la cuisine ou sur l’éducation des enfants mais s’attaque à des questions de fond : l’instruction des jeunes filles, les droits des femmes, le droit de vote, la place trop grande de la religion catholique dans la société de l’époque.

[Quand verrons-nous les Canadiennes admises à y suivre les cours destinés à accroitre leur instruction et à leur donner la place qui leur revient dans la société ?

– « Françoise » au sujet de l’Université, La Patrie, 14 octobre 1895

Ses chroniques en choquent certains, en inspirent d’autres. Elle publiera aussi un recueil de textes, Fleurs champêtres. Ouvertement féministe, elle militera toute sa vie avec sa plume pour les droits des femmes, supportant chaque avancée. Les critiques pleuvent sur ses textes, mais elle reçoit le soutien d’amis écrivains et de son patron à La Patrie, Honoré Beaugrand.

Robertine demeura célibataire toute sa vie. Loin d’être une vieille fille, elle fit le choix de ne jamais se marier. Jusque dans les années 1960, une femme mariée devenait une mineure aux yeux de la loi, dépendante de son mari et perdant ses droits d’adulte majeure. Robertine refusait de perdre sa liberté. Cela ne l’empêcha pas de vivre une vie amoureuse active et libre. Elle sera même la maîtresse du poète Émile Nelligan. Elle avait 35 ans, il en avait 19.

En 1899, elle est nommée déléguée des Canadiennes par le premier ministre du Canada, en charge de se rendre à l’Exposition universelle de Paris. Elle voyagera un moment en Europe, sans homme, et terminera sa carrière à La Patrie par une chronique de lettres à ses lecteurs depuis Paris.

De retour à Montréal, avec ses économies, elle lance sa propre revue, le Journal de Françoise. Au fil des ans, elle y rassemble plus de 500 collaborateurs. Femme d’avant-garde, elle sera membre fondatrice de la première association de lutte pour les droits des femmes au Québec, la Fédération nationale St-Jean-Baptiste.

Robertine Barry décède subitement d’un AVC en 1910, à l’âge de 46 ans. Elle voyait le journalisme comme un outil d’éducation pour les gens « ordinaires », et le journal comme la seule université accessible aux femmes. Première femme journaliste au Canada français, elle aura mené une vie résolument moderne et libre, brisant tous les codes de son temps.

Pour en savoir plus :

Baladodiffusions : De remarquables oubliés (6 février 2015) et Aujourd’hui l’histoire (24 janvier 2020), Radio-Canada ;

Livre : Elles ont fait l’Amérique. Serge Bouchard ;

Pour me contacter : MC.Duchesne@outlook.com

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