Salut Chasseur.

Par Frédéric Maltais

Une expression dit qu’il faut battre le fer pendant qu’il est chaud.

En ce qui me concerne, j’ai assez laissé trainer l’écriture de cette chronique qu’il faudra que je frappe plus fort pour parvenir à plier le métal refroidi.

Salut Chasseur.

Depuis le 29 janvier, tu es censé avoir enregistré ton arsenal de chasse au Registre québécois des armes à feu.

Comme près de 70% des propriétaires d’armes, tu ne l’as probablement pas fait afin de contester cette mesure que tu trouves trop contraignante, inefficace et couteuse.

On va mettre quelque chose au clair. Tout comme toi, je ne crois pas qu’un registre soit un moyen efficace pour combattre les méfaits impliquant des armes à feu.

Par contre, je t’invite à regarder dans le rétroviseur pour constater que l’impasse actuelle n’est pas l’affaire de médias biaisés, de cliques du plateau, de citadins déconnectés ou d’une conspiration quelconque.

La bataille de l’opinion publique, tu ne l’as pas gagnée. Ceux qui te représentent en sont probablement en bonne partie responsables.

Rappelle-toi, Chasseur, le passage à Tout le monde en parle en 2016 de Guy Morin, vice-président du mouvement citoyen : « Tous contre une Registre québécois des armes à feu ».

Celui-ci avait parfois de bons arguments mais, tout au long de l’entrevue, il apparaissait hostile et condescendant.

À ce moment-là, il faisait face à Nathalie Provost du collectif Poly se souvient qui, elle, bénéficie avec raison d’un très grand capital de sympathie.

Il lui coupe la parole, la regarde de haut et joue l’exaspéré.

Pas de quoi gagner le respect!

Rappelons que le 6 décembre 1989, Nathalie Provost était l’une de celles qui s’est retrouvée dans une salle de classe devant Marc Lépine duquel elle a reçu 4 balles.

Ne t’en déplaise, Chasseur, le drame de Polytechnique est à l’origine de toute cette notion de contrôle des armes chez nous. Et c’est cette partie de l’imaginaire collectif que tu confrontes dans ta croisade contre le registre. Il vaudrait mieux aborder la question avec beaucoup de sensibilité et de délicatesse.

D’ailleurs, sur une échelle de 1 à ‘’shit on est dans la merde’’, comment tu évalues ceux qui, à l’automne 2017, ont eu la brillante intention d’organiser une manifestation antiregistre autour du mémorial de Polytechnique?

Ce jour là, ta cause a perdu beaucoup de crédibilité. La bande de génies de relations publiques qui ont eu cette idée ont poussé dans ses plus bas retranchements l’expression : « Parlez-en mal, parlez-en bien, mais parlez-en ». Clairement, il y a des limites à la stratégie du coup d’éclat pour faire parler de sa cause.

Rassemblement des « gunnies » se nommait leur page Facebook.

Avec des représentants qui s’autoproclament « gunnies », il ne faut pas que tu t’étonnes que l’on parle de toi dans les médias comme d’un « proarme ». Et se faire appeler « proarme », c’est ramener ta cause à l’image du redneck sudiste qui polit son canon de semi-automatique en mangeant son bol de Capitaine Crounche au lever du soleil.

Je caricature, bien sûr.

Mais réfléchis comme il faut, Chasseur, à la lourdeur du titre « proarme » que l’on t’attribue. Il ne prend pas racine tout bonnement dans l’imaginaire des journalistes. Ceux qui sont sur la ligne de front pour parler en ton nom donnent l’impression qu’eux aussi sont des mangeurs de Capitaine Crounche.

Toi, ce que tu veux, Chasseur, c’est chasser… avec ou sans ton chien.

Tu veux utiliser tes armes à feu de manière responsable. Sortir un matin d’automne, aller te chercher quelques perdrix pour la fondue du dimanche.

Aller passer deux semaines au camp juché dans ta tour avec ta .303 en attente du panache fantôme.

Transmettre à tes enfants les rudiments de la chasse et le maniement sécuritaire des armes.

Tu veux pouvoir dire à ton chum : «Laisse-moi donc tes guns pour la semaine. Je pense que c’est pas une bonne période pour que t’aies ça chez vous. »

Tu ne veux surtout pas que des drames humains impliquent des armes à feu.

Malheureusement, dans les dernières années, ce n’est pas le message qu’ont livré tes représentants aux allures survivalo-libertariennes amants d’armement et de théories du complot.

Si tu souhaites, un jour, voir la Loi sur le registre québécois des armes à feu être abrogée, tu devras, Chasseur, revoir ton plan de communication. D’ici là, tu dois immatriculer tes armes à l’adresse suivante : www.siaf.gouv.qc.ca

* L’expression Chasseur est ici employée de manière très inclusive. La lettre est non seulement adressée aussi aux chasseuses, mais j’ai l’intime conviction que votre présence dans le débat est plus que souhaitable.

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