Tumulte en zone 17

Il faut, semble-t-il, prendre avec des pincettes l’annonce du ministère de la Faune, de la Forêt et des Parcs (MFFP) voulant que la chasse à l’orignal soit désormais interdite aux non-autochtones dans la zone 17.

En effet, le MFFP a fait savoir en décembre dernier qu’étant donné les faibles résultats des inventaires aériens et la nécessité de rencontrer les obligations de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, la chasse dans cette zone serait réservée aux autochtones.

Devant le tollé, le député caquiste d’Ungava, Denis Lamothe, a lui-même écrit sur sa page Facebook qu’il s’agit « d’une procédure administrative, sans égard aux discussions constructives qui sont toujours en cours entre les dirigeants cris et jamésiens ».
Celles-ci devraient se poursuivre bientôt, assurent la mairesse de Chibougamau, Manon Cyr, et le président de l’Association Chasse et Pêche Chibougamau (ACPC), Stéphane Tremblay.

Des propositions formulées

Avec les maires des autres villes incluses dans la zone 17, Matagami, Lebel-sur-Quévillon et Chapais, ils ont soumis au gouvernement cri, avant le début du congé des Fêtes, un ensemble de suggestions qui permettrait aux non-autochtones de continuer à chasser l’orignal, tel qu’entendu entre les deux parties plus tôt en 2021. Les propositions sont pour l’instant confidentielles. On sait seulement que l’une d’elles consiste à exclure de la chasse les non-résidents du Nord-du-Québec. « On a proposé des pistes de solution, nous dit M. Tremblay. On est rendus à ce que les chefs des communautés se rencontrent [avec la grande cheffe des Cris, Mandy Gull-Masty] et disent oui ou non. […] Si c’est oui, le ministère n’aura pas le choix de se virer de bord. »

Processus de décision

Une porte-parole du MFFP a fait savoir à La Sentinelle que le ministère est au fait des discussions entre le gouvernement cri et les Jamésiens. « En vertu de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, le gouvernement doit prendre en compte les résolutions du Comité conjoint de chasse, de pêche et de piégeage (CCCPP) quant aux modalités de gestion du cheptel d’orignaux dans les territoires sous convention », a-t-elle écrit.
Le CCCPP est constitué de huit représentants autochtones du territoire de la Convention et de tout autant de représentants des gouvernements québécois et canadien.

Question de paix sociale

L’annonce du gouvernement, qui faisait abstraction des discussions en cours, n’est pas sans impact sur l’état d’esprit de la population, selon Stéphane Tremblay.
« Ça met en danger la paix sociale, dit-il. Les chasseurs dans la zone 17 sont inquiets et dans les autres zones aussi. […] L’enjeu social, c’est non seulement la paix entre les Jamésiens et les Cris, mais entre les Jamésiens et les Jamésiens. […] Ils [les chasseurs de la zone 17] pourraient aller dans d’autres zones. »
À cette inquiétude s’est ajoutée la rumeur non fondée selon laquelle la création du parc national Nibiischii allait elle aussi enlever une partie des droits de chasse des non-autochtones. « Il n’en est rien », assure le président de l’ACPC qui dit avoir regardé les cartes et s’être entretenu avec le député Lamothe et le chef d’Oujé-Bougoumou, Curtis Bosum.

La Table régionale de la faune du Nord-du-Québec doit se réunir en février pour discuter de ces problématiques.
En octobre dernier, la mairesse de Chibougamau et la grande cheffe des Cris s’étaient exprimées ensemble sur la création d’un plan conjoint de gestion de l’orignal dans la zone 17. Elles avaient déploré le silence du ministre Pierre Dufour dans ce moment critique.

Le rapport

Un rapport partiel sur l’inventaire aérien réalisé en février et mars 2021 n’a été diffusé que tout récemment.
Le nombre d’orignaux était de 1 036, une baisse majeure en regard des 1 581 recensés en 2019. La densité moyenne était de 0,52 orignal par 10 km2. L’absence d’orignaux a été observée dans 31 des 96 parcelles.

Selon les auteurs du rapport, les ratios de 27 mâles et 30 faons par 100 femelles sont les plus bas répertoriés par inventaires aériens à ce jour dans la zone 17. À la suite du rapport, une résolution du CCCPP a recommandé un prélèvement maximum de 104 orignaux, conformément aux dispositions de la CBJNQ garantissant une récolte prioritaire pour la nation crie. Ce chiffre était précédemment de 150 orignaux. Il ne faut pas abattre plus de 10 % du troupeau pour que celui-ci puisse prospérer. Selon M. Tremblay, l’an passé, 800 permis ont été émis et 42 orignaux ont été abattus par des non-autochtones.

Il n’a pas été possible d’obtenir la date de la réunion où les chefs d’Eeyou Istchee allaient discuter de la zone 17.

Facebook
Twitter
LinkedIn
Imprimer

ARTICLES SUGGÉRÉS