Une entente historique

« Aucun montant d'argent ne suffira jamais à ramener l'enfance perdue mais aujourd'hui c'est à propos de la reconnaissance. C'est mon souhait que ça va changer le cours de la vie des familles à partir d'aujourd'hui », a dit la cheffe régionale Cindy Woodhouse lors de la conférence de presse du 4 janvier dernier.

Le Canada a signé avec les Premières Nations une entente de principe d’un montant inégalé pour compenser son inaction et sa discrimination envers elles dans les domaines de la santé et des services sociaux.

Vingt milliards de dollars d’indemnisation seront versés pour les enfants des Premières Nations vivant dans les réserves et au Yukon et retirés de leur foyer entre 1991 et avril 2022, ainsi que pour leurs parents et proches aidants.

Ce montant comprend aussi une indemnisation pour les Autochtones ayant été touchés par l’absence ou le retard de services dans les domaines de la santé et des services sociaux. Un autre 20 milliards de dollars sur cinq ans sera versé pour une réforme à long terme du programme des services à l’enfance et à la famille des Premières Nations.

Un travail à long terme

« Aucun montant d’argent ne suffira jamais à ramener l’enfance perdue, mais aujourd’hui c’est à propos de la reconnaissance. C’est mon souhait que ça va changer le cours de la vie des familles à partir d’aujourd’hui », a dit Cindy Woodhouse lors de la conférence de presse du 4 janvier dernier.
Mme Woodhouse est cheffe régionale de l’Assemblée des Premières Nations pour le Manitoba et présidente du comité spécial de justice sur la discrimination contre les enfants.

« Nous travaillons sur ce dossier depuis plus de 30 ans, a ajouté la cheffe Woodhouse, […] pour faire que ça n’arrive plus jamais. Chaque jour, pendant des décennies, des enfants, certains étant des nouveaux-nés, ont été enlevés à leur famille et à leur communauté. Plusieurs se sont vus nier des services médicaux et d’autres supports quand ils en avaient besoin, tout cela en raison d’un programme fédéral de protection de l’enfance qui aurait dû les protéger. Ce n’était pas et ce n’est pas une question de parentalité. Il s’agit de pauvreté et du fait que des enfants des Premières Nations ont été enlevés à leur famille et leur communauté au lieu de recevoir de la nourriture, des vêtements ou un abri. »
« Le programme était biaisé dès le départ. Beaucoup de Canadiens ne savaient pas ça, mais il y avait un incitatif pour que les agences de protection de l’enfance ne soient financées que si les enfants autochtones étaient placés dans des familles étrangères. »
Selon Mme Woodhouse, plus de 200 000 enfants et leur famille sont admissibles à une indemnisation.

Un traumatisme indicible

Aucun leader d’Eeyou Istchee n’était disponible au moment d’aller sous presse pour commenter la nouvelle et préciser à quel niveau les individus ou le gouvernement local est concerné par l’annonce.
Le Grand Conseil des Cris devrait incessamment émettre un communiqué.
La conférence de presse du 4 janvier rassemblait également plusieurs leaders autochtones ainsi que Patty Hajdu et Marc Miller, respectivement ministres des Services aux Autochtones et des Relations Couronne-Autochtones.
« Depuis trop longtemps, le gouvernement du Canada n’a pas financé ou soutenu adéquatement le bienêtre des familles et des enfants des Premières Nations, a déclaré la ministre Hadju. […] Aucun montant d’indemnisation ne peut compenser le traumatisme que les gens ont vécu, mais ces ententes de principe reconnaissent aux survivants et à leurs familles le préjudice et la douleur causés par la discrimination en matière de financement et de services. »

Agenda

« Il reste beaucoup de travail à faire avant de verser de l’argent. Ça va s’étaler dans la prochaine année. Beaucoup de modalités doivent se négocier entre les parties. Certaines de ces réformes, notamment les mesures préventives visant à garder les enfants et les familles ensemble, seront mises en place aussitôt qu’en avril 2022 », a dit M. Miller.
Un montant plancher de 40 000 $ est prévu pour les compensations individuelles, montant qui sera indexé selon l’ampleur du préjudice subi.
L’entente finale doit être approuvée par le Tribunal canadien des droits de la personne et la Cour fédérale.
La Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations a d’ailleurs rappelé que l’entente de principe était non contraignante et une simple étape vers un règlement final.

Dans les communautés éloignées

Le chef adjoint de la Première Nation d’Aroland (Ontario), Bobby Narcisse, a profité de l’évènement pour sensibiliser les gens aux difficultés de la vie dans les régions nordiques éloignées.
Il a donné l’exemple d’un garçon de quatre ans récemment décédé d’une infection streptococcique à la gorge parce qu’il a été renvoyé à la maison avec un Tylenol.
« Il n’y avait pas d’antibiotiques dans la communauté, a affirmé M. Narcisse. Ça, mesdames et messieurs, c’est la vie dans le Nord. Et ces défis sont vécus dans plusieurs communautés éloignées, un manque de capitaux, d’infrastructures, un haut taux de suicide chez les jeunes, etc. »
M. Narcisse a participé à la récente fondation de l’Assemblée nationale des communautés éloignées, qui a pris pied en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba et aux Territoires du Nord-Ouest.
« Je suis très encouragé, a dit le chef adjoint. Cette entente va nous aider à quantifier et à indexer l’éloignement sur une échelle nationale. Pour la première fois, les mathématiques et la science dicteront les chiffres: voilà ce que ça coute pour donner des services à l’enfance et à la famille dans les communautés. […] »

Jordan et la rafle

Au cœur de la poursuite sont le principe de Jordan ce qui est communément appelé la rafle des années 60.Le principe de Jordan est une obligation légale visant à assurer que les enfants des Premières Nations aient droit aux mêmes services publics que les autres enfants canadiens, sans retard ni refus.
La rafle des années 60 réfère au fait que les travailleurs sociaux de plusieurs provinces et du Yukon retiraient de manière systématique et non consentie les enfants de leur famille x pour les placer dans des familles d’accueil non autochtones.

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