Une foresterie à l’envers pour assurer la durabilité de la forêt

«On doit passer du forestier chasseur-cueilleur au forestier sylviculteur, qui cultive la forêt non pas avec un plan mur-à-mur en espérant que la forêt s’adapte, mais avec des objectifs clairs et précis pour chaque unité d’aménagement.»

C’est en ces mots que Guy Lessard, directeur de l’aménagement forestier durable et de la sylviculture au CERFO, le Centre d’enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy, est venu proposer aux professeurs et aux étudiants en foresterie de l’UQAT et du Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue ce qui pourrait devenir une petite révolution dans l’univers forestier.

Cesser le mur-à-mur

Par sa métaphore, l’ingénieur forestier voulait illustrer qu’au lieu de passer dans la forêt, prélever des arbres et espérer que de nouvelles tiges réussiront à pousser par la suite, les forestiers devraient plutôt profiter de chaque intervention pour s’assurer de laisser derrière soi une régénération de qualité.

«Avant, on avait un traitement mur-à-mur préconisé pour tel ou tel type de forêt et on passait la forêt au scan pour voir où ça pouvait s’appliquer. On passait ensuite au traitement. On s’est alors dit que l’inverse serait probablement plus efficace. On commence par analyser les besoins du forestier et le contexte propre à chaque peuplement, puis on trouve une solution. Une fois la solution bien déterminée, là on trouve le traitement le mieux approprié à chaque situation particulière», a expliqué M. Lessard.

Plus conforme à la nature

À cet égard, le CERFO mise beaucoup sur la coupe progressive irrégulière, la moins connue et la moins utilisée des interventions de ce type. En résumant grossièrement, elle consiste à récolter un peuplement forestier en plusieurs étapes afin de toujours conserver des arbres semenciers, lesquels assureront une nouvelle cohorte de jeunes plants après chaque coupe.

«C’est une approche par micropeuplement, donc encore plus méticuleuse que par peuplement entier, a précisé Guy Lessard. L’opérateur d’abatteuse doit donc apprendre à les identifier. C’est plus long et plus complexe, mais c’est aussi plus conforme à ce que fait la nature.»

Se concentrer sur l’avenir

Le CERFO préconise aussi une révolution dans le martelage. À l’heure actuelle, cette étape consiste à marquer les arbres défectueux ou qui grandissent mal afin de les prélever en priorité pour favoriser la croissance des arbres plus prometteurs.

«Ce qu’on propose, c’est du martelage positif, a indiqué M. Lessard. Au lieu de cibler les arbres à couper, le marteleur devrait se concentrer sur les tiges d’avenir à protéger. Une fois ces arbres marqués, c’est alors plus facile pour l’opérateur d’abatteuse. Et le résultat final est similaire.»

Un investissement

L’ingénieur forestier demeure cependant conscient que ce changement de manières de faire risque de susciter un enthousiasme très variable au sein des compagnies forestières. «Oui, cela entraîne des coûts supplémentaires, mais ça permet aussi d’assurer la régénération à très long terme de la ressource forestière. Il faut le voir comme un investissement: on paie plus cher au départ, mais pour avoir du bois de qualité beaucoup plus longtemps», a-t-il fait observer.

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